Z&T sont dans la place
Grand Angle15 juillet 2023 | Lecture 1 min.
Karolina SvobodovaZouz, T.A, vous présentez au Théâtre des Doms votre première forme théâtrale, Beat’ume. Pouvez-vous revenir sur votre parcours et nous raconter comment chacune d’entre vous a circulé jusqu’à présent entre ces deux pratiques et univers (slam et théâtre)?
ZouzJe fais du théâtre depuis que je suis toute petite, je suis passée par les académies et puis les humanités artistiques. Ensuite, je suis entrée au Conservatoire de Bruxelles. À la sortie, je deviens comédienne, et puis quelques années après je rencontre le slam: il y a un stage organisé par Slameke et là, ma vie est chamboulée. Depuis, je ne fais plus que ça, du slam et du rap.
T.AJ’avais fait l’examen d’entrée à l’Insas et puis, en testant, je me suis rendu compte que ce n’était pas un monde qui m’intéressait ou qui me correspondait; j’étais jeune, c’était instinctif… Donc finalement je me suis inscrite en régendat, parce que c’était trop tard pour m’inscrire à l’université et parce que j’aimais bosser avec les jeunes, je bossais déjà pas mal dans des maisons de quartier. Donner des cours à des adolescent·es, ça me fait kiffer, c’est des cours de français, de morale, de philo, ça me plait. Ça m’a aussi permis de commencer assez jeune à travailler dans une école professionnelle, dans laquelle je travaille toujours aujourd’hui.
Ensuite, je me suis inscrite à l’ULB parce que dans les maisons de quartier, je montais des spectacles slam et qu’on m’avait parlé d’un Master en Arts du spectacle avec une orientation didactique. Je me suis dit que ça me permettrait de continuer à monter des spectacles avec les ados. Le slam, je l’ai découvert parce qu’un des jeunes à qui je donnais cours était dans une situation un peu compliquée, et je lui avais proposé de venir à une scène slam. Je lui ai dit de monter sur scène, et de faire un rap. Je lui ai écrit un petit slam, c’est le premier slam que j’ai écrit. Et puis j’ai continué, avec des stages et des scènes.
Et puis vous vous êtes rencontrées.
T.AChacune de notre côté on faisait les mêmes scènes mais sans doute pas aux mêmes dates car on ne se croisait pas. Et puis un jour, on s’est retrouvées dans un slam sauvage dans le métro, on était engagées pour faire du slam sauvage dans un festival. Et là, on se voit et on se dit que c’est fou qu’on ne se soit jamais rencontrées, on est de la même génération, on fait les mêmes scènes, on a la même dégaine!
ZouzOn a bu un café et depuis on se colle, on est tout le temps ensemble, ça, on l’explique dans le spectacle, on fait tout ensemble. On a créé un duo, on a fait un spectacle et on rappe ensemble.
À quel moment avez-vous créé votre duo?
C’était en 2020 qu’on a créé officiellement le duo. Pendant le confinement…
T.AOn vivait une situation de harcèlement sexiste et pendant le confinement, le harceleur a repris sur les réseaux. On a fait un clip pour qu’il arrête et ça a marché pendant un temps. On a ensuite été interviewées et contactées par des collectifs hip-hop féministes. Z&T ça vient de là, pendant une interview on nous a dit «prenez un nom de duo» et on a pris Z&T, on s’est dit on va changer après mais on n’a jamais changé. Et ensuite, on a écrit d’autres textes…
À partir de ces textes, vous avez finalement créé un spectacle.
ZouzOui, on avait plein de slams, plein de raps, on a été prises par Level Up, une initiative de l’association Lezarts Urbains pour accompagner les artistes émergents. Rosa Gasquet, chargée de projet de l’association, nous disait de faire un spectacle. Mais moi, qui venais du milieu du théâtre, je n’avais pas envie de revenir dans les institutions théâtrales, le milieu underground me convient mieux. Puis on commence à relier des slams et des raps chaque fois qu’on nous demandait de présenter des formes, on a eu plusieurs résidences et finalement un spectacle s’est créé.
Est-ce que vous pouvez nous raconter ce processus de création?
T.AVu qu’on avait plutôt des shows, avec des slams et des raps et qu’on ne voulait pas seulement faire des successions de textes, on a d’abord commencé à créer des petits interludes humoristiques entre nous, qui relayaient à comment on était au quotidien.
Nos regards extérieurs nous ont dit que ça marchait, que ça créait un côté théâtral, avec un fil rouge, un liant, que ça donnait une idée de spectacle. Ils nous ont conseillé de penser à une dramaturgie. On a eu des résidences dans plusieurs lieux dont la Maison Poème, le Jacques Frank, on a eu pas mal de regards extérieurs. Diana David est devenue ensuite notre dramaturge. On avait toujours ce dilemme d’aller vers une forme théâtrale mais en évitant de tomber dans le théâtre, au début, c’était aussi un vrai débat d’entrer, ou non, dans les institutions.
ZouzPour le spectacle, moi, par exemple, je n’avais pas envie de jouer un personnage, parce que dans le slam tu ne joues pas un personnage, c’est toi, et j’avais peur qu’à partir du moment où tu es sur une scène de théâtre, un autre rapport s’instaurerait.
D’où vient votre méfiance vis-à-vis des institutions?
T.AJusque-là, le slam n’était pas bien entré dans les institutions. Quand on avait des discussions avec des personnes reliées aux institutions, le slam était pris de biais, pour jouer dans le bar plutôt, donc on se disait que les institutions n’étaient pas encore prêtes à l’intégrer comme forme artistique. Je pense qu’il y avait une méfiance réciproque, on a eu l’impression en échangeant avec des directions de théâtres qu’il y avait une méfiance envers le slam. Là où, par contre, il y avait beaucoup de confiance, c’est dans les ateliers slam qu’on donnait avec des jeunes souvent issus des quartiers des lieux culturels où on bossait. On a vu qu’ils avaient confiance dans le slam comme intermédiaire mais pas dans le slam en tant que forme en elle-même, c’est donc par là qu’on est d’abord entrées. Ce qui est cool c’est que, petit à petit, ils nous ont fait confiance et qu’on a finalement pu entrer comme on est: on n’a pas essayé de coller aux institutions et ils nous ont acceptées avec notre forme et nos codes.
ZouzIl y a peut-être aussi une peur de réappropriation, on aime bien l’idée que le slam reste un mouvement et une communauté qui est très bienveillante, très à l’écoute et qui est humble aussi. Ça a été des grands débats intérieurs, je pense que c’est pour ça qu’aller sur une scène dans une institution théâtrale avec une proposition slam, il fallait faire ça bien. On a essayé de le faire sincèrement, de ne pas se changer. Finalement, on voit aussi que ça nous permet de faire découvrir notre univers à d’autres gens, à des gens qui n’iraient pas nécessairement voir ça, c’est ce qu’Avignon et les théâtres nous permettent de faire. Avignon avec la longue série de représentations, ça nous rôde, c’est un gros apprentissage, on ne s’attendait pas à ça.
Vous vous définissez également en tant que rappeuses.
ZouzRappeuses en herbe! On apprend humblement et j’espère qu’on apprendra de plus en plus le level…
T.AOui parce que c’est beaucoup de travail, on est toutes les deux fans de rap depuis longtemps. On a commencé à faire du slam avec du son, on travaille avec un beatmacker, ce qui nous rapproche du rap, on s’entoure d’une communauté rap et on va pas à pas mal d’événements open mic’. Il y a quelques mois, on a créé Anticyclone.
Zouz
C’est un collectif rap où on a des invités Finta (Femmes, Intersexes, Non-binaire, Transgenres et Agenres) et on essaye que l’open mic’ de rap et de slam soit priorisé pour les personnes Finta parce qu’on observe que dans les open mic’ ce sont en général les mecs qui prennent le mic’, il y a très peu de meufs qui passent sur scène et même si en tant que meuf tu veux passer sur scène, tu dois parfois arracher le micro. Le milieu du rap c’est un lieu qui ne reste pas facile…
T.AOn s’est rendu compte que c’était pas facile pour les personnes Finta de se rencontrer dans ce milieu, entre djettes, slameuses, rappeuses, beatmackeuses… On a eu une édition 1 dans allée du kaai avant que ce soit détruit, une édition 2 dans les Marolles et on va bientôt avoir une édition 3. On veut continuer parce que c’est vraiment important.
ZouzLà c’est vraiment underground, on le fait complètement en bénévole. Dans Anticyclone, il y a beaucoup de mixité. Le public veut voir ça dans le hip-hop et on sent dans le milieu que les gens veulent voir ce changement. Même des rappeurs qui sont dans le game depuis longtemps, qui sont d’une autre génération, sont venus nous soutenir. Et c’est très encourageant. Anticylone c’est l’urgence et ça n’aurait pas de sens de continuer Beat’ume sans mettre notre énergie là-dedans.
D’autres projets en ébullition?
Z&TIl y a une forme longue du spectacle Beat’ume qui a été achetée par différents théâtres à Bruxelles, on a notre première à l’espace Magh en septembre, et puis on va à la Maison Poème, à la Balsamine et au Jacques Franck. On veut continuer aussi à travailler pour Slameke, on a beaucoup d’activités ensemble. On a sorti notre livre aux éditions Maelstrom. On va encore sortir un clip en septembre. Bref, on a un million d’idées!
__________________________________
Retrouvez le duo Z&T et leur spectacle Beat’ume du 6 au 27 juillet à 19h30 au théâtre des Doms.
Vous aimerez aussi
«Once again I fall into…» avec Ragnar Kjartansson
Émois31 août 2022 | Lecture 3 min.
épisode 6/14
Les hauts et les bas d’un théâtre de crise climatique à Avignon
Grand Angle22 juillet 2024 | Lecture 9 min.
[PODCAST] Louise Baduel dans les paradoxes de l'écologisme
En chantier6 juin 2024 | Lecture 2 min.
épisode 10/10
Entre Strasbourg et Liège, des livres inattendus
En chantier1 juin 2024 | Lecture 5 min.
épisode 8/9
[PODCAST] KFDA 2024 L'art public selon Anna Rispoli
En chantier18 mai 2024 | Lecture 2 min.
épisode 2/2
[PODCAST] 13 ans de création aux Brigittines racontés dans un livre
En chantier3 mai 2024 | Lecture 1 min.
épisode 9/10
L'achronique de Karolina à Rile* Books: being iconic, clubbing et micropoèmes flamands
En chantier22 avril 2024 | Lecture 5 min.
épisode 7/9
Le zine s’institutionnalise-t-il? Interview avec Karolina Parzonko
En chantier22 avril 2024 | Lecture 7 min.
épisode 6/9
[VIDÉO] COLLEUSES FÉMINISTES ET COLÈRE DANS L’ESPACE PUBLIC AU THÉÂTRE VARIA
En chantier11 avril 2024 | Lecture 1 min.
Ma déficience visuelle ne devrait pas être un frein
Émois10 avril 2024 | Lecture 1 min.
épisode 1/1
[VIDÉO] Dans l'atelier grouillant de Julie Larrouy à Saint-Gilles
En chantier7 février 2024 | Lecture 1 min.
épisode 3/3
Le top 3 des BD pour bien pleurer pendant les fêtes
En chantier21 décembre 2023 | Lecture 6 min.
épisode 3/9
[VIDÉO] Théâtre et quartiers populaires avec Yousra Dahry
Grand Angle16 novembre 2023 | Lecture 2 min.
[PODCAST] Arco Renz et Danielle Allouma en spirales hypnotiques
En chantier8 novembre 2023 | Lecture 2 min.
épisode 8/10
[PODCAST] Chloé Beillevaire et Sabina Scarlat, bouffonnes en collants
En chantier8 novembre 2023 | Lecture 2 min.
épisode 7/10
[PODCAST] Karine Ponties au confluent du réalisme et de l'abstraction
En chantier8 novembre 2023 | Lecture 2 min.
épisode 6/10
[PODCAST] Le pouvoir des ondes sonores avec Marielle Morales
En chantier8 novembre 2023 | Lecture 1 min.
épisode 5/10
[VIDÉO] Lumière sur le vitrail dans l'atelier de François et Amélie
En chantier7 août 2023 | Lecture 1 min.
épisode 2/3
[VIDÉO] Valse des matériaux dans l'atelier de Jacques Di Piazza
En chantier27 mai 2023 | Lecture 1 min.
épisode 1/3
[VIDÉO] Boucles infinies avec Arco Renz et Danielle Allouma
En chantier18 avril 2023 | Lecture 1 min.
[VIDÉO] Chloé Beillevaire et Sabina Scarlat, étonnantes «folles du roi»
En chantier12 avril 2023 | Lecture 1 min.
[VIDÉO] L'ART SUBTIL DE LA RELAX PERFORMANCE AVEC SIDE-SHOW
En chantier30 mars 2023 | Lecture 1 min.
Nedjma Hadj Benchelabi: programmatrice-dramaturge
Au large28 mars 2023 | Lecture 1 min.
épisode 5/6
Abdel Mounim Elallami, un premier solo, un premier prix!
Au large27 mars 2023 | Lecture 0 min.
épisode 3/6
De la création à la pédagogie, un engagement continu
Au large24 mars 2023 | Lecture 1 min.
épisode 2/6
[VIDÉO] Entre l'audible et l'invisible avec Marielle Morales
En chantier15 mars 2023 | Lecture 1 min.
La très belle métamorphose d’une traduction des Métamorphoses
Grand Angle18 novembre 2022 | Lecture 1 min.
[VIDÉO] Au fin fond des temps avec la compagnie Mossoux-Bonté
En chantier18 octobre 2022 | Lecture 1 min.
Still Life fait régner le théâtre sans paroles à Avignon
Grand Angle23 juillet 2022 | Lecture 1 min.
Comédien et guide à l’Africa Museum de Tervuren
Grand Angle1 juillet 2022 | Lecture 1 min.
épisode 15/18
Compositrice-interprète et responsable de revue
Grand Angle1 juin 2022 | Lecture 1 min.
épisode 14/18
«Faut pas dire à qui je ressemble, faut dire qui je suis.»
Émois21 avril 2022 | Lecture 1 min.
épisode 2/3
Saxophoniste et importateur d'huile d'olive
Grand Angle11 avril 2022 | Lecture 2 min.
épisode 8/18
Archipel
En ce moment23 mars 2022 | Lecture 4 min.
Juwaa
14 mars 2022 | Lecture 1 min.
«L'amour c'est compliqué, les sentiments sont profonds.»
Émois14 février 2022 | Lecture 1 min.
épisode 1/3