RECHERCHER SUR LA POINTE :

Aristide Tarnagda ©Daddy Nkuanga Mboko.

Donner sa place au public

Au large

La rue – désormais baptisée d’après le festival – va se transformer progressivement, grâce à l’intervention des scénographes du Collège-Scéno (une initiative mêlant formation et création), pour accueillir artistes et festivaliers d’Afrique et d’ailleurs. Les cours des maisons familiales s’ouvriront au public pour qu’il puisse y découvrir les spectacles, assister aux soirées partages (soirées de discussion avec une personnalité africaine, cette année Ken Bugul, Mohamed Mbougar Sarr et Étienne Minoungou) et à des lectures de textes dramatiques.

Les Récréâtrales se donnent pour difficile défi d’être à la fois un lieu de rendez-vous pour les professionnel·les du théâtre et pour les habitant·es du quartier. Si le festival se déroule chez eux, son directeur, Aristide Tarnagda, souhaite également leur proposer des spectacles tout au long de l’année, pour que le théâtre ne soit pas un événement occasionnel mais bien un loisir régulier. Autrement dit, il souhaite que ces habitant·es constituent un public. À cette fin, les Récréâtrales ont initié leur théâtre permanent qui a pour enjeu de développer une programmation annuelle.

Avant de plonger, à travers de futurs articles, dans le Festival et les pièces qui y seront programmées, La Pointe s’est intéressée à cette initiative de théâtre en dur et au public que Aristide Tarnagda, directeur des Récréâtrales, souhaite y accueillir.

Karolina Svobodova Comment conçois-tu la programmation du théâtre des Récréâtrales?

Aristide TarnagdaLe premier défi pour un théâtre, c’est la construction d’un public. C’est politique. C’est un travail à travers un propos, une esthétique que tu mets en place. On ne va pas conquérir un public comme on fait un marché, on ne cherche pas de «produits». La programmation doit respirer les valeurs du théâtre. C’est pour ça que ce n’est pas forcément la masse qu’il vaut viser même si la question de remplir la salle se pose toujours. Je ne vais pas accueillir n’importe quoi parce que je veux remplir une salle, je veux que celles et ceux qui sont avec moi, le soient par conviction politique, poétique, esthétique. Il faut trouver un objet qui ne les trahit pas.

Le premier spectacle de la saison était Terre Ceinte,d’après un roman de Mohamed Mbougar Sarr, que tu as adapté pour le théâtre. Pourquoi ce choix?

Parce que dans le contexte du pays, il fallait quelque chose d’assez fort pour monter les enchères et dire au public où aller, ce que ça exige de lui comme efforts, quels sont les efforts à faire de part et d’autre. Pour moi, le théâtre est politique en ce qu’il consacre l’effort, l’effort que chacun·e doit faire à son endroit: que tu sois un·e prof d’université ou un·e mécanicien·ne, le théâtre convoque tout le monde. C’est pour ça aussi que le théâtre de Sinzo Aanza (Plaidoirie pour vendre le Congo, également programmé lors de cette saison) m’intéresse. C’est finalement le théâtre du peuple, celui-ci se retrouve dans tous ses textes, tu as tout: la prostituée, l’enfant de rue, l’instituteur, le boucher… Il faut que nos pièces de théâtre reconvoquent cette dimension populaire. Quand je dis populaire, c’est dans le sens où le peuple est impliqué, où il se retrouve. Pour ouvrir une saison, il fallait un grand texte. Et pour moi Terre Ceinte est un très très grand texte.

Terre ceinte de Mohamed Mbougar Sarr. ©D.R.

Ensuite, le théâtre à accueilli Jukebox Ouagadougou, un projet de l’Encyclopédie de la parole qui effectue un travail de collecte des paroles de la ville (discussions dans les cafés, publicités, discours politiques, audios et vidéos populaires) et travaille ensuite avec les acteur·ices pour les restituer le plus fidèlement possible sur le plateau.
Comment as-tu découvert ce spectacle et qu’est-ce qui t’as donné envie de le programmer?

Je les ai rencontrés à Conakry, dans le festival Univers des Mots . Le projet m’avait frappé. J’aime tout ce qui est simple, pas simpliste mais simple, c’est-à-dire qui sort de la logique «spectacle» qui nous éloigne de l’essentiel. Je crois que l’art aujourd’hui doit mener à la simplicité. Dans le spectacle, les spectateur·ices passent commande de ce qu’iels veulent entendre et voir, on leur donne une place. [Iels reçoivent un ‘menu’ avec les titres des différents documents et choisissent ceux qu’iels veulent entendre. De cette façon les spectateur·ices co-construisent le spectacle, et les acteur·ices se mettent «à leur service».] Ici, on a cette dynamique d’échange dans le théâtre débat, dans le théâtre d’intervention sociale mais c’est moins poétique, alors que là, c’est très poétique: tu arrives dans une salle on te donne une liste et tu commandes, ça peut être répété, c’est beau, tout le monde à sa place.

Jukebox Ouagadougou ©Daddy Nkuanga Mboko.

Vous aimerez aussi

À gauche, Daniel Blanga-Gubbay et Dries Douibi, codirecteurs artistiques du Kunstenfestivaldesarts à Bruxelles, et, à droite, Jessie Mill et Martine Dennewald, nouvelles codirectrices artistiques du Festival TransAmériques (FTA) à Montréal | © Bea Borgers et Hamza Abouelouafaa

Diriger un festival: à deux, c’est mieux

Grand Angle
Sandrine Bergot, artiste, créatrice, cofondatrice en 2007 du Collectif Mensuel, prendra le 1er septembre la direction du Théâtre des Doms, vitrine de la création belge francophone à Avignon. ©Barbara Buchmann-Cotterot

Sandrine Bergot, cap sur les Doms

Grand Angle
Spectacle: DISCOFOOT , Chorégraphie: Petter Jacobsson et Thomas Caley. Avec les 24 danseurs du CCN – Ballet de Lorraine, un arbitre et trois juges artistiques DJ: Ben Unzip, Dans le cadre du Festival Montpellier Danse, Lieu: Place de la Comédie, Montpellier , le 30/06/2024

Discofoot, Roller Derviches et leçons tout public

Au large