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Hormur: une plateforme pour créer dans des lieux insolites

En chantier

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La PointeComment est né le projet Hormur et quels sont les enjeux que vous poursuivez à travers cette plateforme?

Martin JeudyL’idée a commencé à émerger quand je créais mes spectacles dans des lieux insolites, en librairie, dans des cours de château, des restaurants, des caves et chez des particuliers. Le fait d’expérimenter cela m’a permis de me sentir libre dans la création et de faire des rencontres étant donné que chaque lieu est associé à une personne et un public, donc ça crée une double rencontre. Je suis curieux de nature et chaque lieu me poussait à m’interroger sur ce que je pouvais imaginer avec ce lieu aujourd’hui, et quel public toucher. Il y avait donc plusieurs problématiques intégrées les unes dans les autres. J’ai également observé qu’en tant qu’artiste, ce n’est pas évident de trouver des lieux qui souhaitent accueillir des initiatives artistiques. Et je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose pour créer le lien. Après ma formation à l’IAD, pendant que j’étais en études, j’ai voulu créer cela. Il y a une plateforme comme BlaBlaCar pour aller d’un point à un autre, pourquoi ça n’existerait pas pour mettre en relation des artistes, des lieux et des spectateurs?

Et vous avez donc décidé de créer une plateforme qui ferait cette mise en lien.

Oui, ça a démarré avec cette idée mais il y a une différence entre l’idée et la conception. Nous avons dû nous confronter aux démarches juridiques, à la TVA, il a fallu créer une équipe avec des personnes qui partageaient ces valeurs. C’est un projet où on peut vite se perdre ! Aujourd’hui on est quatre directeurs-directrices, chacun avec une spécialisation. À nous quatre, on a toutes les compétences réunies pour créer la plateforme et la développer. On a fait une cinquantaine d’événements qui nous ont permis de mieux comprendre les besoins des utilisateurs. On a créé un formulaire pour des personnes qui proposaient un lieu et un formulaire pour des artistes qui en cherchaient un. Le bouche à oreille a très bien marché et on a eu énormément d’inscrits.

©Aleksandra Dergacova

Hormur est actuellement limité au territoire français, quels sont les profils des artistes et des lieux qui sont inscrits aujourd’hui?

Hormur c’est: tout art dans tous les lieux pour tous et toutes La volonté ça a toujours été d’avoir aussi bien des artistes émergents que des artistes avec une plus grande notoriété et ce dans toutes les disciplines artistiques: arts visuels, arts numériques, arts vivants, tous les arts sont concernés. De même, on veut avoir une grande diversité de lieux: aussi bien des EHPAD, des hôpitaux, des particuliers. Par exemple, une clinique a voulu organiser des contes pour ses patients, un hôpital a voulu organiser une exposition pour son personnel… En jouant sur la diversité des arts et des lieux, on joue sur la logique d’opportunité, l’objectif est que chacun s’y retrouve.

Comment fonctionne la plateforme ?

Chacun- artiste et hôte- renseigne ses préférences et est mis en relation avec des hoôtes en fonction de ces caractéristiques afin d’éviter qu’il y ait des incompatibilités entre les besoins : intérieur, extérieur, caractéristiques techniques, etc. On va prendre en compte les différents détails qui vont permettre aux artistes de trouver des lieux adéquats. Sur la plateforme, un même utilisateur peut faire trois actions principales: il peut proposer des projets artistiques, proposer des lieux, ou réserver des places pour des événements Hormur. Pour les lieux, l’idée est de créer l’originalité, ça peut être des lieux de patrimoine, chez des particuliers, dans un jardin, une maison, … Il n’y a pas de limites du moment que ce sont des lieux initialement non dédiés à l’art. C’est le fait que le lieu soit détourné de sa fonction habituelle qui va créer la surprise et c’est ça qui nous intéresse le plus. On joue à la fois sur la notoriété entre le lieu et le projet artistique pour attirer un certain public. Une particularité aussi est qu’un lieu peut être visible ou invisible: si j’ai une médiathèque, c’est possible que je ne veuille pas recevoir des propositions d’événements et donc je me mets sur la plateforme en invisible, mais je peux voir les projets et envoyer des propositions. On laisse une souplesse pour que les structures ne soient pas submergées. Il en va de même pour les artistes.

Vous insistez sur la dimension événementielle, mais est-ce que des lieux peuvent aussi accueillir des étapes de création? Quels sont les objectifs pour les artistes?

Oui, il n’y a pas de limites, mais nous mettons surtout en avant la rencontre avec le public. C’est un moyen de démocratiser l’art, de dire que l’art peut être partout. Une personne qui organise un évènement chez elle va amener de nouvelles personnes à découvrir des pratiques artistiques qu’elles ne connaissent pas nécessairement. Pour les artistes, c’est aussi un moyen de compléter des dates lors d’une tournée, de mieux diffuser ses créations sur un territoire, ce qui n’est pas toujours facile. Pour certains artistes ce sera également l’opportunité de créer dans un cadre plus intime avec des expériences et des rencontres singulières. Moi ce qui m’a toujours dérangé en tant qu’artiste, c’est de devoir faire énormément de démarches avant de rencontrer un public, un public qui pourrait aussi m’aider à améliorer mon spectacle et je pense qu’il y a beaucoup d’artistes qui sont dans cette situation là. Pour moi, c’est donc un moyen d’entrer en relation et de tester des choses plus vite mais aussi de se confronter à des publics différents, de lieu en lieu.

Est-ce que l’utilisation de la plateforme est payante?

L’utilisation de la plateforme est gratuite pour tout le monde. À partir du moment où l’événement organisé est payant, des frais de services sont ajoutés sur le prix de l’événement final. C’est une commission qui est faible, donc ça nécessite qu’on organise un grand nombre d’évènements pour que ce soit viable. Heureusement, le bouche à oreille fonctionne bien et à chaque événement on a des nouveaux inscrits.

Pour terminer, est-ce que vous avez un souvenir d’un événement particulièrement réussi?

Il y en a plein! Par exemple, un concert qui devait avoir lieu dans un jardin mais avec la pluie, on l’a fait à l’intérieur dans la maison de l’hôte. Ça devait durer 1h30, ça a duré 4 heures, parce qu’il y a toute le dynamique d’échange qui se met en place. Un événement, c’est toujours la rencontre entre trois réseaux: le réseau de l’hôte, de l’artiste et de Hormur, ça crée une forme de mixité sociale, ça permet beaucoup de rencontres et d’expériences.


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