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Suzume ©Bifff2023.

Suzume. La Poooorte!

Émois

Trouver des films en cette période post-covidienne n’a pas dû être simple, et la nouvelle équipe s’est décarcassée pour dénicher quelques horreurs de bon aloi, espérons-le. Et là, tataaaaa, c’est parti pour la 41e édition – avec un petit accent espagnol (7 films his-paniques). Il y aura des exorcistes, des morts pas morts, des horribles enfants machiavéliques, un retour d’Evil Dead, des loups en pagaille, dont certains peut-être garous, et un contingent d’adolescents plus ou moins pubères ventilés façon puzzle par des secoués du bulbe frénétiques. Cool.

Ça démarre comme le Bifff.

On entre dans le Bifff comme dans des charentaises…

Dans la salle qui se remplit rapidement, on se rend compte que le cinoche est devenu une activité de boomers, et les cheveux blancs clairsemés forment de tout petit catogans. On retrouve Sylvie – qui a sorti ses bagues têtes de mort version Galerie Agora 1975, on voit passer Annie, notre Annie officielle, Brice est là, fidèle à son nouveau poste, et bien sûr le public fait de l’auto-allumage (‘tuer encore!’ – ‘jamais plus’). On entre dans le Bifff comme dans des charentaises, un mélange de socio-cultureux bruxellois blanchis sous le harnais et de bistro du coin: c’est confortable, joyeux, pas prétentieux. On aime.

Après les discours d’usage – on loue les ministres, on félicite les sponsors – et les rituels Bifff, pré-générique hurlé en chœur, intro du film à toute vibrure, on débarque dans Suzume (2022), film d’animation japonais de Makoto Shinkai. Une fable très symbolique où une étudiante gentiment rebelle et mignonnement paumée court de portail vers un autre monde en portail vers un passé résilient, le tout pour sauver le Japon de tremblements de terre causés par des vers turgescents et retrouver l’amour de sa mère trop tôt disparue! C’est dire si l’imaginaire freudien de Shinkai est en roue libre. La donzelle Suzume est accompagnée dans son périple par un beau gosse transformé en tabouret à trois pieds, et par un chat, très chat, qui n’obéit jamais et se moque de tout cela.

Le souvenir du tremblement de terre du 11 mars 2011 – un grade 9 sur l’échelle de Richter – hante le film et fait peser sa menace sur les personnages un peu loufoques créés par le réalisateur de Les Enfants du Temps (2019). Les plus belles images sont celles du ver géant qui menace les villes. Pourtant, dans cette histoire de portes jamais fermées et d’amours adolescentes, la volonté du réalisateur reste optimiste et joyeuse, et c’est l’humour qui prend le dessus.

Un je ne sais quoi de slapstick à la Laurel et Hardy.

D’abord dubitatif, le public du Bifff, en attente d’émotions moins délicates, s’est laissé séduire petit à petit par la poésie et la tendresse du film. On songe souvent à Alice, bien sûr aux studios Ghibli et à Miyazaki, mais il y a aussi un je ne sais quoi de slapstick à la Laurel et Hardy qui pimente Suzume. J’ose avouer que je suis resté devant la porte, fût-elle celle de la fin du monde? Vaguement concerné par une fable que j’ai trouvée trop insistante et souvent mièvre? Ai-je perdu mon âme d’enfant? Suis-je en train de devenir le Karl de Up?

Quoi qu’il en soit, le plaisir tautologique d’un film d’ouverture du Bifff, c’est d’ouvrir le Bifff. En rentrant chez moi hier sous une pluie battante, j’avais le sourire des grands soirs. Le Bifff démarre. Ce soir, un Exorciste de derrière les fagots. Avec Russell Crowe. Ce sera juteux!

Suzume – Makoto Shinkai – Japon 2022 

Tout sur le Bifff 2023 

Teaser du Bifff 2023.

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