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©Charles Chojnaki

Démarrage en paillettes et faux cils

En ce moment

C’est vos vrais cheveux?

J’ai reconnu que vous êtes un garçon à cause de votre voix.

Votre poitrine, c’est des ballons?

Il faut vous appeler monsieur ou madame?

Pourquoi vous avez choisi d’avoir des cheveux blancs?

Vous sortez dans la rue habillée comme ça?

Est-ce que vous êtes gay?

Pour une première lecture «Unique en son genre» en France, devant une cinquantaine d’élèves du primaire, les questions ont fusé comme jamais dans la salle du Théâtre Épiscène.

En Belgique, le principe est rodé et prend de l’ampleur. «C’est en train de faire boule de neige», se réjouit même Peggy Lee Cooper, la vedette de cette singulière après-midi avignonnaise. Le principe, imaginé par Sébastien Hanesse et Édith Bertholet, alors au Théâtre de Liège: des lectures drag, abordant les questions de genre et les thématiques LGBTQIA+, destinées au enfants. La toute première eut lieu dans le sous-sol de la Librairie PAX, à Liège.

© Lorraine Wauters, Fondation KANAL

Écoles, théâtres, bibliothèques: la liste des lieux possibles n’est pas exhaustive, et la palette des âges du public s’est élargie, des tout-petits jusqu’aux ados. La Maison Arc-En-Ciel de Liège est même sollicitée pour des futures lectures UESG adressées aux seniors – en maison de retraite ou isolé·es. Le Créahm (Créativité et handicap mental) a également manifesté son intérêt.

De quoi pouvoir affirmer, avec Peggy, que «le drag n’est plus seulement un truc qu’on fait à deux heures du mat’ dans un lieu un peu sordide mais un outil de partage, d’échange, de pédagogie».

Les lectures s’adaptent à l’audience

Le choix s’opère en fonction des âges, dans une longue liste («on a nos classiques!») qui ne cesse d’être alimentée à diverses sources. L’une d’elles, les éditions Talents Hauts, s’est fait une spécialité des «livres qui bousculent les idées reçues».

Un véritable réseau se constitue tandis que s’affine l’outil Unique En Son Genre.

«Peggy Lee Cooper, c’est Tom Waits dans une robe avec un très bon maquillage.»

Au point que l’extravagante lectrice et son entourage songent à le transmettre et permettre à d’autres de s’en emparer. Histoire aussi de se nourrir de pratiques sœurs existant ailleurs. Des contacts sont noués avec Barbada, drag queen montréalaise qui lit des contes et enseigne la musique aux enfants. D’autres avec le festival jeune public Young at Art, à Belfast, où Peggy lira en anglais – langue qui lui est familière depuis l’enfance.

Et qu’elle chante à ravir. Parce que la lectrice et conteuse est aussi, voire d’abord, performeuse.

«Toutes les formes d’art sont légitimes»

L’art du drag a contaminé David – son prénom au civil – lors de sa découverte, dans les années 90, de la Mamma Roma, haut lieu des soirées queer et transformistes à Liège. Lorsqu’il voit l’une des performeuses historiques ôter son dentier, le poser à côté de son steak-frites, et dire: «Voilà, débrouillez-vous, vous deux», c’est la révélation. «J’ai su que c’était ce que je voulais faire.»

Outre un passage éclair en humanités artistiques à l’école secondaire, sa formation se fera par des drags, dans les clubs, pendant les années 1990. «C’est là que j’ai compris ce que c’était de faire rire, pas de toi mais avec toi. Et aussi que toutes les formes d’art sont légitimes.» Le tout en apprenant toutes les tâches nécessaires à l’accomplissement du show, du maquillage à la régie. «Comme au cirque, tu dois mettre la main à la pâte partout.»

Focus d’automne à Épiscène

Ouvrir la première édition de Ceci n’est pas un festival, à Avignon hors-saison, par une soirée de cabaret drag… Un pari de Jeannine Horrion, cofondatrice et directrice du Théâtre Épiscène.

Le jeudi 17 novembre était donc placé sous le signe de Peggy Lee Cooper’s Follies, un show imaginé pour l’occasion par la performeuse et ses comparses Colette Collerette et Grand Malade. Humour, paillettes, extravagance, chansons, sensualité. Et franc succès pour cette bulle de belgitude débridée.

Jusqu’au 27 novembre, belges sont les projets qui s’enchaînent dans diverses disciplines – du théâtre-action au cirque, du jeune public au stand up – dans la salle d’Épiscène, dans le sillage de cette extravagante créature.

«Peggy Lee Cooper, c’est Tom Waits dans une robe avec un très bon maquillage», affirme Tricity Vogue.

L’autrice, scénariste et parolière anglaise est aussi celle du livret d’Alma, le prochain spectacle de Fabrice Murgia avec Peggy Lee Cooper, qui sera «le diable en drag» dans cette adaptation du Faust de Goethe transposé dans l’univers de la téléréalité. Au générique figureront également le compositeur Szymon Brzoska et l’artiste de music-hall Sarah-Louise Young, dans le rôle-titre. Une création à découvrir en mai au Théâtre de Namur.

Ce que Peggy a lu le 17 novembre:

  • Hector l’homme extraordinairement fort, Magali Le Huche, Didier Jeunesse, 2008
  • Princesse Kévin, Michaël Escoffier, Roland Garrigue, Glénat, 2018
  • La révolte des cocottes, Adèle Tariel, Céline Riffard, Talents Hauts, 2011

Ceci n’est pas un festival, au Théâtre Épiscène, Avignon, jusqu’au 27 novembre 2022.


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