Garder l'enfance allumée
Grand Angle15 mai 2023 | Lecture 7 min.
«L’ordre des choses, c’est pour les cornichons!»
Ce n’est pas un slogan de manif’, mais une affirmation véhémente lancée par Odette, Paulette ou Georgette, l’une des cinq sardines enfermées dans leur boîte – et bien décidées à s’en échapper – qui peuplent Monsieur Phône et les sardines, le spectacle de la compagnie belge La Bête curieuse. Comme plusieurs dizaines de professionnels du théâtre jeunesse – artistes, programmateurs, diffuseurs – , la compagnie qui présente en ce soir d’avril cette drôle de pièce a fait le voyage à Avignon, pour le focus professionnel «jeune public» organisé par le Théâtre des Doms – institution de la Fédération Wallonie-Bruxelles délocalisée en Provence afin de faire rayonner les productions de Belgique francophone.
La jeunesse, pour ces adultes qui se soucient d’elle et la prennent au sérieux, c’est mille choses à la fois: une catégorie de publics, ciblée par des dispositifs spécifiques, qui requiert une adresse particulière; un continent perdu, objet parfois de fantasmes, mais également un état d’esprit, marqué par une disponibilité et un plaisir du jeu ramenant à l’essence du théâtre. Plusieurs artistes rencontrés préfèrent d’ailleurs parler de spectacle «tout public»: «Je ne crois absolument pas au jeune public», déclare ainsi la performeuse française Caroline Duval.» «Quand je crée des œuvres, je m’adresse à la part sensible de l’être humain, je m’en fous qu’il ait six ou quatre-vingt dix ans». Cette utopie universaliste renvoie à l’idée d’un théâtre inclusif, espace de rencontre entre générations, auquel veut croire la metteuse en scène et performeuse québécoise Karine Sauvé, qui a créé la compagnie Mammifères en 2013: «Il y a vraiment un travail intergénérationnel qui est important. J’aime penser que ce que je fais s’adresse à tout le monde, même à l’adulte sans enfant.» De fait, l’ensemble des professionnels savent bien que la moitié d’une salle «jeune public» est composée… des adultes qui les accompagnent.
Tous·tes disent le décalage entre le caractère extrêmement précis des catégorisations utilisées par les institutions et libellées dans les commandes et la nature flottante du geste artistique, à l’instar de Morgan Hélou, co-fondateur et directeur des productions de l’Annexe, la compagnie de Baptiste Amann: «Comment tu cibles les 6-8 ou les 8-10 ? C’est hyper compliqué… Alors on n’a pas ciblé.»
Pas de conception différente de la mise en scène ou de l’esthétique selon l’âge-cible, non plus, chez la compagnie La Bête Curieuse. On trouve en revanche des arrangements avec ces délimitations de publics, dont beaucoup soulignent la rigidité croissante: par exemple, poursuit Morgan Helou, «Baptiste a pris comme prétexte un personnage de petite fille de huit ans». «Pour “Ravie”, de Sandrine Roche, on savait que c’était pour les neuf ans… mais on s’en moque un peu», reconnaît Rachel Ceysson de la Compagnie La Paloma, basée à Marseille. Le fait de créer pour les enfants impose cependant une vigilance particulière, consistant à ne pas projeter sur eux ses propres représentations d’adulte: dans Ravie, adaptée de La Chèvre de Monsieur Seguin d’Alphonse Daudet, il était tentant d’assimiler le contrôle exercée par le berger sur l’animal à une autorité parentale malsaine… alors que les enfants, relève Rachel Cessyon, «voient autre chose que nous».
Ils acceptent très bien, par exemple, la réalité de ce qui est sur scène, même si elle échappe à la vraisemblance, comme dans le spectacle de Baptiste Amann Jamais dormir où l’héroïne de huit ans, jouée par une comédienne d’une trentaine d’année, a une apparence d’adulte. «C’est le jeu des enfants, le “on dirait que”», analyse Morgan Helou. Caroline Duval opine: «Ils font ça tout le temps dans la cour de récré. Ils font semblant d’être pris dans une histoire». D’où une réceptivité peut-être plus grande au pacte théâtral, reposant sur la fiction et l’illusion.
Le «jeune public», une catégorie bien ficelée
Réductrice, voire dénuée de fondement, l’appellation «jeune public»? Nombre de professionnel·les, en effet, critiquent la mobilisation de cette catégorie, agissant selon Caroline Duval comme un leurre, donnant l’illusion d’une homogénéité quand les enfants sont en réalité si différents. Et de s’interroger: finalement, des adultes qui ne viendraient qu’exceptionnellement au théâtre ne sont-ils pas, eux aussi, des «jeunes publics»?
Il n’en reste pas moins que la catégorie est bel et bien opérante: le «jeune public», ce sont des programmations spécifiques au sein des théâtres, des commandes, des dispositifs et des modes de diffusion particuliers – en Belgique francophone, environ 80% des représentations jeune public ont lieu en classe, indique Pierre Ronti, un des rares chargés de diffusion spécialisés dans le genre en Fédération Wallonie-Bruxelles. Longtemps déconsidéré – «Quand les comédiens allaient vers le jeune public, c’est qu’ils n’avaient pas de travail: c’était tous ceux pour qui ça marchait pas», se souvient Véronique Dumont, les spectacles pour enfants sont devenus un créneau offrant des opportunités.
De manière très pragmatique, un spectacle se joue facilement 100 ou 200 fois – sans commune mesure avec le nombre de représentations du théâtre «adulte». En labellisant ce «jeune public», les politiques culturelles et les institutions ont en outre accompagné le travail de compagnies, qui ont pu faire l’objet de commandes ou bénéficier d’aides spécifiques, en France comme en Belgique. L’attention des pouvoirs publics, selon Pierre Ronti, a d’ailleurs contribué à renforcer la qualité des spectacles: en Belgique francophone, les rencontres jeune public de Huy font office de sas pour les compagnies qui lorsqu’elles sont sélectionnées par un jury (composé de professionnels du secteur, de l’associatif et de l’enseignement), bénéficient ensuite d’un soutien pour être présentées dans les écoles. «On n’emmène pas n’importe quoi dans les écoles», résume Pierre Ronti, et la renommée de la production belge est aussi construite, selon lui, grâce à ces dispositifs. Aujourd’hui, ajoute-t-il, le regard a d’ailleurs changé, y compris chez les professionnels du secteur: le théâtre jeune public est souvent apprécié pour son caractère avant-gardiste.
Mais le crédit apporté au genre, notent plusieurs artistes, peut aussi glisser vers le contrôle. «Il y a de plus en plus une obligation d’être dans des thématiques, qui doivent être à la mode, engagées, avec un message», soupire Véronique Dumont, de La Bête curieuse. Cette demande d’utilité sociale les rebute: «Ne leur parlez pas de pédagogie!», prévient Pierre Ronti. Marie-Charlotte Siokos, sortie il y a quelques années du conservatoire de Mons et dont le solo pour ados Bêtes d’orage est en cours de création, le confirme: on ne cherche pas à dire au public ce qui est bien ou mal, mais plutôt «à les mettre face à des situations dont ils peuvent tirer ce qu’ils veulent».
Les propos d’Emilie Garcia, programmatrice jeune public au théâtre de la Licorne à Cannes, vont dans le même sens: «On cherche moins à s’adresser au citoyen de demain qu’à l’enfant en présence, avec sa perception et son appréhension du réel aujourd’hui. Ce qui est important pour nous, c’est de les questionner, et de ne pas imposer de réponse toute faite.» Cela n’empêche pas les compagnies d’avoir une grande conscience de leur rôle: le spectacle qu’elles montent est souvent un des premiers rendez-vous avec le théâtre pour ceux qui le verront. Un privilège, pour la metteuse en scène Marie-Julie Peters-Desteract, de la compagnie Le Bruit de l’herbe qui pousse.
Privilège non dénué d’engagement: on ne crée pas autrement pour le jeune public, confie Thomas Fourneau de la compagnie La Paloma, mais on essaie malgré tout de prendre soin de lui: il aura bien le temps de se «coltiner les sales choses de la vie». Les propos d’Emilie Garcia, du théâtre de la Licorne, à Canne, lui font écho: «Notre artiste associée, Emilie Le Roux, dit qu’on peut tout raconter à la jeunesse du moment qu’on ne la désespère pas».
Des modes d’adresse spécifiques
De fait, on ne fait quand même pas tout à fait la même chose avec les enfants qu’avec les adultes. Même s’ils récusent le ciblage, nombre d’artistes rencontrés admettent que la création pour la jeunesse requiert des façons de faire spécifiques – et des écueils. Ainsi, singer les jeunes pour se rapprocher d’eux, s’approprier leurs codes en espérant les séduire, par exemple, ne fonctionne pas du tout. «La pire façon d’entrer en relation avec eux», pour Morgan Helou. En terme de format, l’expérience montre qu’on ne peut faire abstraction des capacités d’attention des enfants, variant selon l’âge: «pour le tout jeune public, c’est 15 à 20 minutes», estime Morgan Helou, tout en regrattant que ces réalités dont on doit certes tenir compte aient quelques peu «enfermé» la création jeunesse. «Il faut un peu répéter les infos, remettre l’enjeu au milieu, être plus explicite», remarque pour sa part Marie-Charlotte Siokos. Certaines thématiques, par ailleurs, semblent parfois privilégiées parce qu’elles sont davantage susceptibles de rencontrer le vécu d’une tranche d’âge: «Il y a des sujets qui même s’ils sont universels les touchent plus, par exemple le harcèlement ou les premiers émois pour les adolescents.», argumente Marie-Line Lachassagne, de la Scène nationale de Bourg-en-Bresse. Pour beaucoup, le champ des possibles en «jeune public» reste cependant bien vaste: «Je pense que monter un Pasolini pour les 5-6 ans serait une erreur», plaisante Morgan Helou entouré d’autres comédiens, programmateurs et metteurs en scène «jeune public». Mais en fait, «pourquoi pas…», glisse l’un d’eux, déclenchant dans l’assemblée un silence songeur. Un silence où murmure un vent de liberté, si cher aux créateurs «jeune public».
Une envie de paradis perdu
Car s’il y a une chose à laquelle ils croient, c’est bien à l’intelligence et à la réceptivité propres à l’enfance. Travailler pour les enfants, c’est bel et bien une manière de renouer avec ce continent perdu, source inépuisable d’inspiration et d’inventivité. Marie-Julie Peters-Desteract ne cache pas sa fascination pour le mystère de l’expérience enfantine, elle qui aborde, dans Ôlo, un regard sur l’enfance, le passage du geste graphique de l’enfant de l’abstraction primitive à la représentation. «J’avais une sorte de nostalgie de paradis perdu de l’enfance, avant l’entrée dans notre société, avant la représentation et la formalisation du monde», explique-t-elle. «J’avais cette idée que le très jeune enfant était dans un espace de pure liberté. On a décidé de parler de l’enfance au très jeune public, de lui redonner une image de lui-même». Se réapproprier cet état de pure présence a constitué pour ses comédiennes un défi aussi exigeant que libérateur. Et Marie-Julie Peters de raconter le frémissement parcourant la salle et la jubilation des parents lorsque les comédiennes transgressent la bienséance de l’âge adulte, s’enduisant le corps de peinture. «Il y a quelque chose qui vient les chercher, de liberté, de débordement. Pour les adultes c’est fascinant de se dire qu’on a eu ça en nous, cette capacité à s’émouvoir, ce côté transgressif: faire tomber quelque chose, casser quelque chose, se salir.»
On retrouve dans le «théâtre de matière» de Karine Sauvé ce goût du débordement et de la curiosité. C’est précisément là que se joue, selon elle, la responsabilité des artistes pour la jeunesse; dans ce rappel de l’inextinguible avidité de l’enfance, adressé aux vieux enfants comme aux jeunes: «J’aime beaucoup l’informe, les matières, les textures, il y a quelque chose d’une étrangeté. Tout le travail sur le sensoriel qu’on trouve dans le théâtre pour la petite enfance m’intéresse beaucoup: se rappeler notre matérialité, nos sens, et ramener ça pour tous les âges, ça me semble socialement important. Être en lien avec la matière et pas lâcher ça parce qu’on a passé l’âge de raison. On fait comme si à l’âge adulte on avait tout compris, mais c’est encore tellement étonnant ce monde, cette matérialité… Le monde est tellement là, à s’ouvrir pour nous. Je crois qu’on peut garder cet étonnement à l’âge adulte.»
Créer pour les enfants, c’est pour Karine Sauvé «garder l’envie de jouer», et renouer avec une intensité dérégulée, évanouie à l’âge adulte: avec «une sensibilité qu’on a canalisée», «une émotion qu’on a compartimentée», explique Morgan Helou. Le «plus beau métier du monde» que le chargé de diffusion jeunesse Pierre Ronti dit exercer comporte cette magie-là: «te remettre en connexion à ta part d’enfance, l’importance et la fragilité de l’enfance».
S’adresser, précisément, à cette «intelligence sensible» des enfants et «leur offrir une expérience autre que ce qu’on voit dans la culture de masse», c’est ce vers quoi tend Karine Sauvé. Dans Chansons pour le musée, elle incarne son propre rôle en s’inspirant d’une expérience personnelle on ne peut plus adulte, très éloignée du vécu des petits: la séparation d’avec le père de ses enfants et la manière dont elle y a fait face. Elle estime pourtant que le sujet abordé sur scène peut toucher tout le monde: «Que peut-on faire de créatif pour traverser une peine?».
Déconstruire l’idée que les enfants se font des adultes – des créatures sinistres et sérieuses, incapables de jouer -, c’est revenir aux fondements mêmes du théâtre, pour Rachel Ceysson de la compagnie La Paloma: «L’acteur, quel que soit le texte qu’il ait à dire, il joue. Je me remets à mon endroit d’enfant qui joue, c’est ca qu’il faut garder.» «On a un peu un humour d’enfant donc ça tombe bien!», admet volontiers Marie-Charlotte Siokos. Avec ses amis à l’origine de Sonate en zi zémol (Aurélien Vandenbeyvanghe , Iacopo Bruno, Salomé Crickx et Merlin Vervaet), spectacle jeunesse nourri par leur goût pour le clown, ils se sont demandé quels spectacle ils auraient aimé voir enfants, «Qu’est ce qui les aurait fait marrer».
En écrivant pour le jeune public, on projette aussi l’enfant qu’on a été: «Bêtes d’orage est un seul en scène que j’ai créé en pensant à ma petite cousine ado», développe-t-elle, «En pensant à ce que j’aurais aimé, moi, recevoir en tant que femme en construction: comment gérer mon rapport à mon corps, par exemple». Et les enfants saisissent ce dont on leur parle. «Ils ont des évidences», note Véronique Dumont: «À la fin des spectacles, ils disent que Monsieur Phône, ça parle de la liberté: ils ont tout compris!», se réjouit la comédienne.
De l’exigence et de la présence
Pas de conte de fée, toutefois: la confrontation avec le jeune public est riche précisément parce qu’elle n’est pas sans heurt. «L’enfant n’est pas poli», résume Morgan Helou. Parce que son rapport à la fiction, au cadre de la représentation et à la distanciation est différent de celui des adultes – «si tu lui poses une question il va te répondre», relève par exemple le directeur des productions de l’Annexe, mais aussi parce qu’il n’est pas rompu à la dimension ostentatoire de la sortie théâtrale: «Il n’a aucun intérêt dans le fait d’aller au spectacle, s’il n’aime pas il se casse, il fait sa vie». «C’est un public extrêmement exigeant», confirme le chargé de diffusion Pierre Ronti, «car s’ils n’ aiment pas, ils s’en vont ou te mettent un bazar pas possible».
Sans nier les ratés, toujours possibles, les artistes décrivent avec passion cet endroit de la rencontre devenu si rare au théâtre, embourgeoisé dans des codes figés. Car le spectacle vivant est bien «un des derniers lieux où tu partages des émotions avec d’autres gens, c’est un truc à sacraliser», insiste Pierre Ronti. Un «truc» qui se ressent vigoureusement face aux jeunes spectateur·ices. «C’est un public très spontané, ils réagissent tout de suite, à tout, hyper fort», s’enthousiasme Anne Romain, de La Bête curieuse. Le jeune public dévoile ainsi, sans fard, l’expérience éminemment sociale du spectacle vivant – un «social» qui relève d’un partage toujours incertain, déployé dans l’instant, bien loin des postures de spectateurs et des logiques de distinction propres à la consommation culturelle adulte. Pierre Ronti: «Et c’est le public sociologiquement le plus démocratique. J’avais fait une enquête sur le public de théâtre, sur 300 personnes il y avait un seul ouvrier. Or, dans une salle jeune public t’as des futurs cadres, des futurs ouvriers, des futurs prêtres, des futurs délinquants, des futurs politiciens, c’est un vrai public de base, pas filtré, ça touche toutes les origines sociales. C’est là que je le trouve merveilleux.»
La spontanéité du jeune public révèle alors toute la fragile beauté du spectacle de théâtre: une expérience sensible et vivante, tendue sur le fil de l’instant, où rien n’est acquis d’avance. Morgan Helou revient sur la réception par les adolescents de la trilogie de Baptiste Amann Des territoires –, qui n’a cessé de fluctuer au fil du long récit de sept heures: «On a accepté qu’ils parlent, ils vont et viennent, ce n’est pas qu’ils sortent du spectacle mais c’est la manière dont ils interagissent avec la fiction en direct. Il y a des scènes où ils sont dedans, il y en a d’autres où c’est une écriture qui leur parle moins». Et «l’ennui, le flottement, le fait de ne pas être toujours “à fond”», tout cela fait aussi partie de la relation et du vécu du théâtre et des choses importantes à transmettre, aux yeux de la performeuse Caroline Duval.
L’imprévisibilité inhérente au théâtre jeune public induit des modes de création singuliers. Le processus est généralement jalonné de bancs d’essais, menés au plus près des enfants, qui permettent d’ajuster le spectacle en continu. «Dès qu’on avait des bouts de jeu, de mise en scène, on ramenait à l’école», se remémore Marie-Julie Peters, qui a passé beaucoup de temps à observer les jeunes enfants dessiner à l’école maternelle pour son spectacle, mais aussi à le tester auprès d’eux.
«Tout de suite, on sentait ce sur quoi ils réagissaient. Un enfant de cet âge-là, il ne fait pas plaisir, il réagit. Quand les enfants ne réagissaient pas, on coupait».
La dimension de laboratoire, d’expérimentation permanente est un des aspects les plus stimulants du genre, pour Pierre Ronti: «C’est un théâtre où on se pose encore beaucoup de questions, il faut parfois vingt représentations pour savoir si ça fonctionne, tu as beaucoup plus de retours. On écoute vraiment le public».
Avec le jeune public, il se passe toujours quelque chose, semblent dire les professionnel·les, éclairant peut-être par là un trou béant, douloureux, du théâtre dit «adulte» actuel. «Quelque chose qui se joue notamment dans les bords de scène, ces moments d’échange très fréquents dans les spectacles jeunesse.» «Avec les enfants, c’est fou les échanges qu’on peut avoir, tu sens qu’ils en ont besoin, vraiment», constate Rachel Ceysson, de la compagnie La Paloma. «Alors qu’avec un public “adulte”, des fois on joue, on sort de salle et puis après il n’y a plus personne, on rentre chez nous et c’est très, très triste».
Le théâtre jeune public, lui, semble encore croire à la puissance de la rencontre humaine qu’ouvre le temps du spectacle. Un théâtre, qui, en «gardant l’enfance allumée», comme le dit Karine Sauvé, ouvre une «possibilité de jeu réparatrice, qui aide à être en lien avec les autres» et «active des possibilités d’être». Un théâtre dont nous avons férocement besoin.
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