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Eliamar Coelho, alias Lia ©DR.

Les clés du JJB

Grand Angle

L’année dernière, Breathe, une vie en mouvement, les mémoires de Rickson Gracie, légende vivante du jiu-jitsu brésilien, ont remis en lumière ce sport de combat né au début du XXᵉ siècle. Cet art martial encore peu connu du grand public rencontre de plus en plus de succès chez nous. On en parle avec un champion, professeur à Anderlecht.

Jiu-jitsu brésilien: le nom de ce sport de combat réunit deux pays, deux continents. Il est effectivement né d’une rencontre singulière, au début du XXᵉ siècle,  entre un Japonais, Mitsuo Maeda, maître de judo et de jiu-jitsu, et un homme d’affaires brésilien, Gastão Gracie, qui lui a demandé d’enseigner ses techniques à son fils Carlos. Ce dernier les transmit à ses frères et à ses enfants (treize sur les 21 que compte la fratrie sont devenus ceinture noire de JJB). La discipline est de plus en plus répandue en Belgique, mais reste inconnue de beaucoup. Paulo Brazil, originaire de Recife, fondateur de l’Académie Gracie Barra à Anderlecht, vice-champion du monde à Las Vegas en 2017 et qui a cumulé en 2019 en catégorie no gi (lutte sans kimono) la médaille de bronze au championnat panaméricain, le titre de champion d’Europe à Rome et celui de vice-champion du monde à Los Angeles, en dit plus sur ce qui est pour lui le meilleur des sports de self-defense.

Paulo Brazil ©DR.

Le jiu-jitsu brésilien, qu’est-ce que c’est exactement?

C’est de la lutte, il n’y a pas de coups. Ça ressemble au judo dans la façon d’amener l’adversaire au sol, mais les finalisations sont différentes. Dans un combat de JJB, c’est celui ou celle qui soumet qui gagne. S’il n’y a pas de soumission, c’est celui qui a le plus de points à la fin du temps imparti – chaque ceinture a sa propre durée de combat, de 5 minutes pour les blanches à 10 pour les noires – qui gagne. On soumet l’autre soit en bloquant une articulation -clé de bras, de poignet, de pied- ou par étranglement, en utilisant son corps ou le kimono, aussi bien le sien que celui de son adversaire. En JJB no gi, on pratique sans kimono.

En quoi est-ce différent du jiu-jitsu traditionnel?

Quand Mitsuyo Maeda a commencé à enseigner le jiu-jitsu traditionnel à Carlos Gracie, un des frères de ce dernier, Hélio, a constaté que c’était un sport pour des gens lourds et que jamais quelqu’un de léger ne pourrait battre un adversaire plus pesant. Or, Hélio était très mince et c’est lui qui a apporté des changements de leviers, de positionnements, des nouvelles techniques pour que quelqu’un de léger comme lui puisse l’emporter.

C’est comme un jeu d’échecs.

C’est de là qu’est née cette nouvelle forme, le jiu jitsu brésilien. C’est plus technique, avec plus de soumissions, beaucoup de gardes différentes, de leviers. C’est un sport qui demande de la souplesse et de la force, mais aussi de l’intelligence. C’est comme un jeu d’échecs, avec beaucoup de pièges.

Comment change-t-on de couleur de ceinture?

À la base, dans le jiu-jitsu traditionnel, il n’y avait pas de couleur de ceinture. Au Japon, il n’y avait que la ceinture blanche, qui servait simplement à attacher le kimono, et cette ceinture blanche devenait de plus en plus sale, donc de plus en plus noire au fur et à mesure de la pratique. Une ceinture noire voulait dire que c’était un ancien. C’est en Europe qu’on a commencé à faire des grades. Pour passer de la blanche à la bleue, il n’y a pas de durée minimum. Mais ensuite, selon la Fédération IBJJF – la Fédération Internationale de Jiu-jitsu Brésilien – il faut au minimum deux ans de la bleue à la violette, un an et demi entre la violette et la marron, et un an entre la marron et la noire. Après, on doit avoir 31 ans de ceinture noire pour avoir la ceinture noire et rouge, la «corail».

Pourquoi avez-vous commencé le jiu-jistsu?

J’ai commencé pour redevenir élève. Quand je suis arrivé en Europe il y a 17 ans, je pratiquais la capoeira depuis 10 ans et j’ai commencé à donner des cours de capoeira. Mais prendre moi-même des cours, apprendre quelque chose, ça me manquait. J’ai commencé le JJB à l’invitation de Bruno, mon premier professeur à Bruxelles, en 2006. L’année d’après, j’ai participé à ma première compétition, en France, et j’ai été champion. C’est là que je me suis dit que j’avais peut-être du talent pour ça.

Les élèves de votre académie à Anderlecht ramènent beaucoup de médailles, avec des champion·nes d’Europe, du monde. Comment expliquez-vous ce succès?

Je pense qu’un élève ressemble à son prof. J’aime donner cours, que ce soit à un enfant de 3 ans ou à des adultes. En général, il y a de 3 à 10% d’une salle qui va faire de la compétition.

Le premier de mes élèves à devenir ceinture noire, c’était une fille, Lia.

Ҫa veut dire qu’on doit plaire à 97% des élèves qui ne vont pas en faire. Mais quand on m’entend parler des championnats, ou qu’on voit mes photos, ça donne envie de participer aux compétitions, de voyager à Abu Dhabi, en Californie… Le premier de mes élèves à devenir ceinture noire, c’était une fille, Lia, et elle a été numéro 2 au ranking mondial en ceinture bleue adulte.

Eliamar Coelho, alias Lia ©DR.

Est-ce un bon sport pour apprendre à se défendre?

Je pense que c’est le meilleur du monde, il n’y a pas d’autre sport comme ça. Il y a beaucoup de sports qui mentent, en affirmant par exemple qu’avec un stage d’une semaine on va apprendre à se défendre d’une attaque au couteau. Le JJB va te donner une confiance et te permettre de savoir quand il faut courir pour s’enfuir et quand il faut lutter.

Quelles sont les motivations des élèves qui s’inscrivent?

Ce sont souvent des parents qui cherchent pour leurs enfants un sport qui demande de la discipline, de la concentration, qui va canaliser l’énergie et qui va leur permettre d’avoir plus confiance en eux. Pour les adultes, il y a aussi la volonté de reprendre confiance en soi, ou de perdre du poids. C’est un sport très physique. Il faut manipuler le corps de l’autre. En boxe, on bouge tout seul, c’est déjà génial au niveau cardio, mais en JJB, tu as quelqu’un sur toi, c’est beaucoup d’effort.

Paulo et Lia. ©DR.

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