Dix ans du Sassy Cabaret, ça se fête!
En ce moment28 octobre 2024 | Lecture 1 min.
Karolina SvobodovaLe Sassy Cabaret est né il y a dix ans, peux-tu revenir sur le contexte de cette création?
Lili MirezMoiÀ l’époque, je faisais partie d’un collectif d’effeuillage burlesque mais je sentais qu’il manquait quelque chose dans ma pratique. On avait fait plusieurs spectacles à l’Os à Moelle et Samuel Bernard [le directeur artistique et général] m’a proposé d’organiser des cabarets plus pluridisciplinaires, c’est une opportunité qu’il m’a donnée et que j’ai prise. Au fil des ans, j’ai peu à peu développé ma direction artistique et je me suis aussi davantage politisée, les choses se sont affinées et affirmées.
En quoi consiste cette politisation?
Je pense que quand j’ai commencé le Sassy, et même, à vrai dire, quand j’ai commencé à être performeuse burlesque, je me disais que je devais être vintage, divertissante… C’était une vision assez lisse. Pour moi ce qui était politique se limitait alors à avoir et à montrer un corps qui n’est pas normé ou standardisé et de le sensualiser, l’érotiser quand même. Je cherchais en fait une certaine validation: montrer qu’il était beau, qu’il pouvait être sexy… À l’époque on acceptait que les femmes minces se déshabillent mais pour les femmes avec des formes c’était vulgaire, leur corps n’était pas fait pour ça. Et puis progressivement, je me suis rendu compte que le cabaret était une scène politique. Je militais par ailleurs depuis longtemps pour les sans-papiers, dans les milieux LGBTQIA+ et j’ai toujours fréquenté la diaspora africaine, mais au cabaret je mettais ça de côté, comme s’il n’y avait pas de place pour ça. Or, j’ai réalisé que le cabaret était un espace politique, un espace qui, par essence, accueillait une certaine marge et les opprimé·es. À partir du moment où j’ai accepté ça, le Sassy s’est affirmé comme un espace à la fois divertissant et engagé, dans lequel on pouvait accueillir ces militances.
Depuis la création du Sassy, tu en es la directrice artistique. En quoi consiste cette fonction?
Aujourd’hui le Sassy est devenu une asbl. Je gère la direction artistique et ma collègue Evita de Mee m’aide pour les dimensions administratives. La direction artistique ça veut dire que c’est moi qui sélectionne les artistes qui vont performer et l’ordre des numéros, mais évidemment chaque artiste crée sa propre chorégraphie. Je n’interviens pas dans les numéros des performeurs, sauf ici, pour le spectacle des 10 ans parce qu’il y a également des numéros communs, de groupes et donc une dramaturgie et des chorégraphies collectives à mettre en place.
Que signifie pour toi ces dix ans d’activités? Quels sont les enjeux du projet aujourd’hui?
En tant que discipline, le cabaret rencontre de grandes difficultés de reconnaissance institutionnelle. En raison de sa nature pluridisciplinaire, c’est très difficile d’obtenir des subventions car on ne rentre pas dans les catégories établies: c’est de la danse mais pas vraiment, c’est de la chanson mais pas vraiment, parfois du stand up mais pas vraiment non plus… Et donc le Sassy vit beaucoup de ce qu’il engendre lui-même. Quand on a commencé ce n’était pas du tout facile, aujourd’hui ça va mieux parce qu’on remplit les salles, mais ça reste quand même des cachets modestes pour les artistes. Alors le fait qu’aujourd’hui, le Théâtre 140 décide de nous programmer, qu’on ait trouvé un partenaire financier, c’est une reconnaissance importante. Le fait qu’une institution prenne le risque financier de nous inviter, qu’un partenaire financier croie suffisamment au projet pour nous soutenir, c’est important. Au-delà de ces enjeux de reconnaissance, il y a également l’enjeu du public. Ça nous permet de faire connaître le Sassy en dehors de ses cercles habituels, de le faire connaître à des gens qui n’iraient jamais à l’Os à Moelle mais qui vont au 140. En jouant dans un théâtre et en profitant de l’occasion de cet événement des dix ans pour faire un spectacle, notre idée est aussi de dire qu’on est ouvert à tout le monde, que le cabaret c’est pour tous les publics.
De nombreux théâtres s’ouvrent aujourd’hui à des pratiques nées dans des scènes alternatives, voire opposées aux institutions. Comment vois-tu leur entrée dans des structures institutionnelles?
Je pense que c’est à nous d’avoir la vigilance de prendre ce que les institutions nous offrent, c’est-à-dire une reconnaissance et une certaine professionnalisation ainsi que des moyens dont on ne dispose pas sur nos scènes, dont des possibilités techniques, et ce, en gardant en tête qu’elles nous invitent aussi pour nos identités underground, contre-culturelles. Elles s’intéressent à nos différences, qu’on ne doit donc pas se lisser. La première institution qui nous avait ouvert la porte, c’était le centre culturel Jacques Frank, et ils nous ont donné carte blanche! Je leur en suis très reconnaissante car ce n’est pas un choix de programmation évident pour un centre culturel. Je sais que beaucoup d’institutions s’intéressent aujourd’hui aux drag-queens, mais il faut éviter le pink washing. Les drags sont très conscientes de ces enjeux et si elles sont contentes qu’on leur ouvre les portes, il ne faut pas croire qu’elles vont se contenter d’être souriantes et de porter des couronnes! Une personne qui fait ça depuis très longtemps et de manière exemplaire c’est Blanket La Goulue, qui performera à la soirée des dix ans.
À l’occasion de cet anniversaire, quel avenir rêves-tu pour le Sassy Cabaret?
J’aimerais avoir la possibilité de créer un vrai spectacle, avoir la possibilité de bénéficier d’une résidence de création afin d’avoir le temps et les moyens suffisants pour chercher et créer ensemble.
Informations pratiques:
Les 10 ans du Sassy Cabaret- Sassy Cabaret
16.11 à 20h30 au Théâtre 140. La soirée se poursuit ensuite à L’Os à Moelle Av. Emile Max 153, 1030 Schaerbeek
Site et réservations: Les 10 ans du Sassy Cabaret – Le 140
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