RECHERCHER SUR LA POINTE :

Série Recto/Verso
La série Recto Verso part à la rencontre de ces artistes qui exercent un double métier, par plaisir, passion, ou tout simplement pour «sur»vivre.
épisode 4/18
4/18
©Dikave studio

Actrice et institutrice

Grand Angle

épisode 4/18

Professions: actrice et institutrice

Formation: Conservatoire de Bruxelles et HEB Defré.

À l’affiche de: 

Qui a peur de Tom Lanoye, mise en scène Aurore Fattier (Solarium asbl) au Théâtre Varia jusqu’au 5 mars et cet été à Avignon, au Théâtre des Doms.

Dernier lit de Hugo Claus, mise en scène Christophe Sermet, avec Laura Sepul.

Le jeune Ahmed de Jean-Pierre et Luc Dardenne.

Fils de ploucs de Lenny et Harpo Guit, Festival de Sundance.

Comment es-tu devenue comédienne, et ensuite institutrice ?

J’ai grandi à Liège. J’ai fait des études secondaires en option théâtre et j’ai eu des professeurs formidables, très engagés; certains étaient dans la troupe du Théâtre de la Communauté de Seraing. Mon père était latiniste, il avait une vraie passion pour la littérature. J’ai très tôt aimé lire à voix haute, j’adorais les histoires. Mais je n’aimais pas trop l’analyse littéraire. À mes yeux, décortiquer un texte de fond en comble lui enlevait toute sa poésie, son mystère.

Avec le recul, je vois ça comme une chance.

À dix-huit ans, j’ai eu envie de quitter Liège et je suis entrée au Conservatoire de Bruxelles dans la classe de Pierre Laroche. À la sortie, j’ai quand même pas mal galéré. Je suis devenue maman à 27 ans. J’avais du travail mais pas suffisamment. Avec le recul, je vois ça comme une chance. Ça m’a un peu obligée à envisager autre chose.

À 30 ans, j’ai entamé des études d’instit primaire. C’était autant par nécessité financière que par envie de pratiquer un métier encore plus en lien avec les autres. J’avais besoin de sortir du côté un peu clos du milieu théâtral et d’échapper à mon léger penchant auto-centré.

Comment ton entourage a-t-il réagi face à ta réorientation professionnelle?

Parmi mes connaissances, j’étais une des seules à franchir ce pas. Je n’en parlais pas trop parce que je sentais que ça pouvait être interprété comme un aveu d’échec, un abandon vis-à-vis de mon premier métier. Alors que pressentais que ce pourrait être une force.

Qu’est-ce que ce second métier t’apporte?

C’est peut-être ma véritable vocation. Mon grand-père était instituteur dans un village en Ardenne, mon père était prof d’unif. L’aspect pédagogique était très présent dans la famille. Et moi, j’ai adoré aller à l’école en maternelle et primaire, c’était comme un Eden.

Avoir deux métiers me permet surtout de garder intact le plaisir que je prends à travailler.

Aujourd’hui, j’ai besoin de cette alternance entre les deux métiers, partager ma vie entre une introspection artistique et le concret des problématiques scolaires et sociales en m’occupant d’autres que moi. Entre ces deux pratiques, il y a un lien évident qui est relatif à la transmission, au fait de donner du plaisir, dans l’apprentissage de la lecture, par exemple. Je crois que c’est grâce à ça que je vis mon métier d’actrice de façon plus décomplexée, plus légère. Avoir deux métiers me permet surtout de garder intact le plaisir que je prends à travailler.

Et peut-être que cela apporte une richesse dans mon regard d’actrice. Parmi les artistes que j’aime, il y en a beaucoup qui ont exercé d’autres métiers.

Quels sont les artistes ou les œuvres qui t’inspirent en ce moment?

Le cinéma de Bong Joon Ho; je suis très fan de ses histoires sublimes et des acteurs et actrices incroyables qu’il met en scène.
J’ai vu dernièrement le film documentaire de Thierry Michel et Christine Pireaux L’école de la dernière chance. Ça m’a bouleversée. J’aime le regard à la fois tendre et sans concession porté sur la situation. Le film parvient à nous montrer que, même dans cette déroute totale, il y a un fragile espoir. Il pose des questions essentielles sur la pédagogie, l’autorité, le lâcher-prise, l’avenir… C’est dérangeant mais tellement crucial. Et c’est la réalité. J’ai trouvé les intervenants incroyables. Parce qu’ils font vraiment le maximum de ce qui est possible dans un contexte très douloureux. Avec beaucoup d’humanité.

Claire Bodson. ©Dikave studio.

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