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Lavagem-ALICE RIPOLL ©Renato-Mangolin.

Un festival au grand jour

Au large

Un geste artistique fort, crânement posé dans l’espace public, c’est ce que propose régulièrement le Festival TransAmériques. On se souvient d’Innervision, ballet urbain dirigé en direct par Martin Messier sur la place des Festivals, lors de l’édition 2019 du FTA. L’initiative semble plus légitime et nécessaire encore aujourd’hui, en cette édition d’après confinements.

Holoscenes, pièce créée en 2014 à Toronto par l’artiste étatsunien multidisciplinaire Lars Jan, et présentée au fil des ans du Royaume Uni à l’Australie, en passant par Abou Dhabi, sera ainsi l’un des jalons du FTA 2022.

Un aquarium géant s’emplit et se vide cycliquement, submergeant les scènes ordinaires qui s’y déroulent: une personne lit son journal, une autre accorde sa guitare, un couple se prépare pour une soirée…

Holoscenes ©Lars Jan.

Sur l’Esplanade Tranquille de Montréal, dès l’ouverture du festival le 25 mai et pour cinq soirs, Holoscenes s’offrait au public de 18h à 23h, passant du grand jour à la nuit noire, avec des effets et des résonances mouvantes, toujours captivantes. Qu’on l’aperçoive furtivement où s’y arrête longuement, l’installation vivante éveille des échos.

Les récentes années et la conscience croissante des effets du dérèglement climatique (sans omettre de terribles épisodes d’inondations en Belgique, en Allemagne et en de nombreux endroits du globe) densifient encore cet Holoscenes qui n’en perd pas pour autant sa charge poétique.

Purement et follement théâtrale, évidemment et délicatement chorégraphique, la performance évoque autant le chaos et la dévastation que la pure beauté des gestes suspendus, des souffles mesurés, tout en mettant en jeu la puissance et l’influence des éléments.

Un choix de programmation qui signe comment un festival affirme sa présence dans la ville – et sa préoccupation du vivant à travers l’art vivant.

Outre sa vertu d’ouverture à tous les publics de passage au centre-ville, Holoscenes s’inscrivait dans une programmation traversée par le fil de l’eau (avec entre autres Lavagem d’Alice Ripoll ou La Conquête du beluga de Maryse Goudreau), coïncidant avec une Journée de l’Eau, le 28 mai, dont le FTA fit l’un de ses Terrains de jeu.

Beluga ©MARYSE GOUDREAU.

Plonger pour un instant Dans le ventre de la baleine: c’est une autre des propositions gratuites et tout public du FTA avec la complicité de Maryse Goudreau. L’artiste gaspésienne étudie depuis une dizaine d’années le comportement des belugas, s’inscrivant dans une démarche écoféministe autant que créatrice. Au QG du festival, les fins de semaine, une petite tente accueille une personne à la fois qui, cinq minutes durant, pourra tâter de la réalité que documente l’artiste (ici une pouponnière de belugas) tout en expérimentant une immersion sensorielle mêlant au son, à la voix, la vibration des profondeurs.

Une vibration qu’éprouvent, autrement et tout aussi singulièrement, celles et ceux qui, dans le sillage d’Alessandro Sciarroni, iront à la rencontre de la polka chinata, danse en voie d’extinction, via un atelier d’initiation ou une représentation de Save the last dance for me dans des lieux assurément non théâtraux de la ville: marché ou ancien couvent.

Save the last dance for me – Alessandro Sciarroni

Où l’on voit et l’on vit que c’est aussi hors des salles et des théâtres (pour autant précieux partenaires) qu’un festival gagne le cœur de sa ville.

FTA, Festival international de danse et de théâtre à Montréal, jusqu’au 9 juin – www.fta.ca


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