Recordar, c'est vivre à nouveau

22 mars 2024 | Lecture 2 min.

Parfois, tu ne sais pas pourquoi, tu sors d’une pièce de théâtre avec un sourire qui veut dire plein de choses. La pièce: une histoire familiale pleine d’inconnues, un moment de communion parfois en musique et battements de mains; la douceur de la guitare et le son brut et sec du cajon. Recordar est une confidence, un hommage coloré à un père disparu, aux luttes et résistances d’Amérique latine, aux vivant·es. Dans ce mélange poignant de poésie et d’humour, les questions décoloniales se posent, en filigranes, et se tissent aux récits intimes.

Lumineuses cicatrices

Un frère (David Méndez Yépez-Chicos y Mendez) et sa soeur (Marisel Méndez Yépez) nous content, parfois en chuchotant, leur lien à l’exil, la douleur de la perte et la force de vivre, dans une mise en scène ingénieuse et quasiment chorégraphiée d’Ilyas Mettioui (Ouragan, Écume). Entre corps, voix et tissus vifs.

Les voix des morts et des vivants se croisent, comme les écrits projetés et les échos de baffles sur le plateau.

Au fil des chansons, des dialogues et des interrogations, on déchiffre les interactions des différents acteurs d’une politique complexe et sanglante. On apprend qu’au Pérou, la résistance a enfanté à la fois des idéalistes pour une révolution «doctorée» et des terroristes pour qui la fin justifiait les moyens. Au bout du compte, 70 000 morts et un milliers d’innocents incarcérés. C’est à cette grande Histoire que se mêle celle, plus personnelle, du duo complice: l’arrachement temporaire s’est mué en un aller-simple, la langue et la musique, elles, sont restées comme des matrices. C’est une véritable épopée qui nous est livrée: celle de parents résistants, et d’une tante incarcérée accusée de terrorisme. David et Marisel font la Une d’un journal à ses côtés, il interroge: cette femme est-elle une terroriste?

Mais qu’est-ce qu’un terroriste et qui en décide?

Recordar, c’est vivre à nouveau touche en plein dans le mille.

La pièce naît d’un besoin de mettre des mots, d’interroger les mystères familiaux. Dans cette urgence, nous sommes pris à parti, avec beaucoup d’ironie et d’autodérision, et nous devenons les témoins privilégiés d’un puzzle inachevé, de ses secrets qui restent au fond des caisses.

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Recordar c’est vivre à nouveau

Texte David et Marisel Méndez Yépez, Ilyas Mettioui – Avec David et Marisel Méndez Yépez – Mise en scène Ilyas Mettioui – Dramaturgie Tatjana Pessoa – Scénographie Nathalie Moisan – Assistante à la scénographie Coline Lebeau – Création sonore et musicale David Méndez Yépez et Donald Beteille – Création lumière Suzanna Bauer – Assistanat à la mise en scène Léa Parravicini 

Au Rideau de Bruxelles jusqu’au 30 mars 2024.