Janine Godinas
Grand Angle18 janvier 2024 | Lecture 1 min.
Karolina SvobodovaVous jouez actuellement dans Ces enfants-là, spectacle mis en scène par Virginie Jortay à partir de son roman éponyme. Cette œuvre nous plonge dans la période des années 1960 et 1970 et pose un regard rare sur des aspects le plus souvent ignorés de la révolution sexuelle qui était en cours. Comment étaient pour vous ces années-là?
Janine GodinasLes miennes étaient assez formidables parce que je jouais déjà beaucoup. J’ai eu de la chance parce que j’ai travaillé dans un peu tous les genres de théâtre: le théâtre pour enfants, le vaudeville, les revues. J’ai eu la chance de jouer très vite et j’ai fait ce métier tout le temps, je n’ai pas vraiment eu de trou. Donc, les années 60, elles ont été belles. Tout ce qui est révolution sexuelle, dans le théâtre de ces années-là, c’était pas vraiment ça, c’était quand même très conventionnel. Ma vie à côté n’était pas du tout celle du théâtre, c’est pour ça que je dis qu’il ne faudrait pas croire que cette libération-là avait lieu au théâtre. Ce n’est pas vrai, pas du tout. Le théâtre est resté plus conventionnel par rapport à ce qui se passait dans la société. Je pense que la libération sexuelle n’a pas été faite pour tout le monde, elle s’est faite dans des milieux très restreints.
Qu’en est-il de la contestation culturelle au sein de ce théâtre encore très conventionnel?
Ce qui a été formidable dans ces années-là, un peu au-delà des années 60, c’est que les jeunes ont commencé à vouloir créer, à être en dehors des grosses institutions qui dirigeaient tout. Ça a créé une explosion et un noyau formidable! On a eu ce qu’on appelait les jeunes compagnies avec Michel Sireuil, Marc Liebens, tous ces gens-là qui ont commencé à penser au théâtre. C’est toute une époque où on a commencé à avoir la dramaturgie, chose qu’on ne faisait pas avant. Avant, on étudiait son texte et on y allait. Là, il y avait une étude, une pensée sur ce qu’on disait. Il y a toute une grande époque comme ça, des dramaturges sont apparus comme Jean-Marie Piemme qui faisait les dramaturgies pour Philippe Sireuil, et qui écrivait des pièces. Ça a été un renouvellement.
Je suis marquée par la diversité des théâtres et des artistes avec lesquels vous avez travaillé. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’une transition entre les genres théâtraux et les réseaux sur lesquels ils reposent est parfois très difficile. Comment ça s’est passé pour vous?
Je ne mets pas de barrières entre ce que je faisais avec Marc Liebens et quand je montrais mon derrière au théâtre des galeries. Et parfois, il y a des questions à se poser aussi quand on montre son derrière! Moi, je n’ai jamais fait de différence, si on le fait bien, le théâtre, c’est le théâtre et tout est possible du moment que c’est bien fait, bien joué. Professionnellement donc, je n’ai jamais mis de de clivage, j’ai pu aller partout.
Comment êtes-vous entrée au Théâtre de l’Enfance où vous avez commencé votre carrière?
J’étais à l’école, au Conservatoire et il y avait dans les valves des auditions pour des jeunes comédiens, j’ai vu une audition au Théâtre de l’Enfance; ils cherchaient un petit garçon. Les copains me disaient, «tu ne vas pas jouer un petit garçon?»! Mais pourquoi pas? Je suis allée me présenter, c’était aussi simple que ça.
Cette expérience professionnelle vous a fait quitter le Conservatoire.
Oui, c’est-à-dire qu’ils m’ont fait comprendre qu’il valait mieux que je m’en aille puisque j’étais pas beaucoup là… Mais je vous avouerais que j’ai appris beaucoup plus sur les planches avec mes camarades qu’au Conservatoire. Je crois que le Conservatoire ne m’a rien appris.
Quelle était la formation au Conservatoire de Bruxelles à cette époque?
C’était les comédiens du Théâtre du Parc qui donnaient des cours. On n’avait pas de vrai travail… J’ai appris beaucoup de choses avec le professeur de déclamation mais rien en art dramatique; j’ai appris mon métier au Théâtre de l’Enfance, j’ai appris mon métier au théâtre du vaudeville avec des acteurs rigolos qui savaient exactement comment poser un effet. J’ai appris sur le tas.
C’est en tant qu’enseignante que vous êtes ensuite retournée dans une école de théâtre.
Je suis entrée à l’IAD parce qu’à l’époque il n’y avait pas de femmes et que le directeur, Armand Delcampe, m’avait dit de venir donner des cours. J’ai dit non, je ne vais pas donner des cours comme ça; je joue, mais je ne sais pas enseigner. Il m’a dit: «Essaie, tu verras bien». J’ai essayé, ça m’a plu, j’y suis restée vingt ans. C’est une expérience aussi assez formidable, l’enseignement! Je reste persuadée que je n’ai rien appris à ces pauvres enfants. Mais eux m’ont appris énormément. J’ai trouvé fascinant de voir comment les jeunes faisaient sortir les choses, donc ce que j’ai fait, c’est essayer de révéler leur personnalité.
Vous avez plus tard voulu monter vos propres projets. Comment s’est fait ce passage vers la mise en scène?
La mise en scène, c’est un peu autre chose. J’avais envie de mettre en scène mais je voulais aussi régler des problèmes avec moi-même et avec ce qui m’était arrivé dans la vie. Et les psychiatres, c’est pas trop mon truc. Donc je me suis dit: si je montais un spectacle là-dessus? Et c’est ce que j’ai fait. C’était La Cruche Cassée. J’ai fait ma distribution, j’ai cherché de l’argent, j’en ai reçu, j’ai engagé un décorateur. Ça a commencé comme ça, et puis j’en ai fait d’autres et puis j’en ai eu assez, j’ai arrêté parce que j’en avais assez de chercher l’argent. C’est très fatigant, on ne fait que ça, c’est épouvantable.
Quelles sont les pièces que vous allez voir au théâtre aujourd’hui?
Je vois tout! J’adore aller au théâtre voir les jeunes créateurs. J’ai beaucoup d’amis qui s’isolent du théâtre parce qu’il n’est plus soi-disant ce qu’il était… Pour moi, le théâtre, c’est le reflet d’une époque, c’est le reflet du temps. C’est intéressant de voir quels sont les codes, les questionnements des jeunes qui parlent d’écologie, qui ont peur de l’avenir, de ce qui va se passer, qui n’ont pas de boulot, qui se demandent ce qu’ils vont faire. C’est normal qu’ils ne parlent que de ça… Et voilà, Shakespeare, bien que ce soit mon auteur préféré, on le met de côté, on passe à autre chose pour l’instant.
Le spectacle se joue les 23, 24 et 25 janvier à CENTRAL – LA LOUVIERE, les informations : ici
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