Kassia Undead

2 novembre 2025 | Lecture 3 min.

Le cœur et le corps de Lara Barsacq absorbent et dispensent obstinément la mémoire: celle des œuvres, celle des artistes, celle des êtres imparfaits qui s’allient pour chercher, pour créer. Cinquième création de la chorégraphe (après Lost in Ballets russes en 2018, IDA don’t cry me love en 2019, Fruit Tree en 2021 et La Grande Nymphe en 2023), Kassia Undead est la première où elle n’apparaît pas en personne. Pour autant sa patte demeure, et les fidélités se perpétuent. Avec entre autres la danseuse Marta Capaccioli et la DJ et compositrice Cate Hortl.

Brouilleuse de pistes, exploratrice du temps, tête chercheuse, la chorégraphe mêle comme personne archive et fiction, autobiographie et rituel, documentaire et incarnation. Les oubliées de l’histoire, grâce à elle, remontent à la surface de notre époque. À l’honneur ici, Kassia de Constantinople, poétesse et musicienne du IX^e siècle, hymnographe de l’empire byzantin, canonisée, et l’une des premières compositrices du Moyen Âge dont les partitions ont été préservées.

En tenues noires rehaussées de fins bijoux, huit interprètes – de danse comme de musique – habitent le plateau dans une célébration qui, à nouveau, plonge dans l’histoire pour la reconnecter au présent. Le chant s’insinue dans la danse, créant une infusion polyphonique aux langueurs captivantes, aux précipitations enivrantes. Kassia Undead tient de la sarabande carnavalesque comme du rituel funéraire, oscille entre Orient et Occident, navigue de mélopées médiévales en envolées électro, déploie une énergie tantôt sensuelle tantôt mystique, sur fond de créations textiles hybrides réalisées par les Ateliers Indigo. Et lorsque Cate Hortl est peu à peu drapée par ses acolytes de lourdes étoffes, d’ornements chatoyants, elle se mue en prêtresse d’un culte inédit, en icône guerrière parée d’une douceur et d’une puissance inouïes.

«Je hais le silence quand il est temps de parler», écrivit Kassia. Embrassée par Lara Barsacq et ses complices, sa pensée résonne, aiguë et enveloppante, dans les tourments d’aujourd’hui. À l’endroit nécessaire de la lutte contre l’oubli.

Brigitte en novembre

Les premières bruxelloises de Kassia Undead – créé au Théâtre de Liège, en complicité avec la Biennale de Charleroi Danse et la plateforme Objectifs Danse – inaugurent «Brigitte en novembre», nouveau focus des Brigittines sur la création belge francophone du moment. Où découvrir ou redécouvrir également Prémisse de Thi-Mai Nguyen (12-15/11), T’façon on est en 2012 de Loraine Dambermont (19-22/11), ITER de Magdelaine Hodebourg (21-22/11) et Les nouvelles hallucinations de Lucas Cranach l’ancien de Mossoux-Bonté (27-29/11), l’une des premières étapes de la rétrospective de la compagnie qui fête cette saison 40 ans d’existence.

Kassia Undead, du 4 au 7 novembre 2025, aux Brigittines, Bruxelles, dans le cadre de «Brigitte en novembre», du 4 au 29 novembre 2025. Le spectacle sera ensuite le 12 décembre 2025 à Bruges dans le festival December Dance, et les 20 et 21 mars 2026 aux Écuries de Charleroi Danse.