RECHERCHER SUR LA POINTE :

Une œuvre ou un·e auteur·ice qui déclenche un enthousiasme entier, jubilatoire, sans nuance. Le genre «je l’achète sans regarder la quatrième de couverture, ou sans écouter le single». Bref, on aime, on est béat, et on le dit fort.
épisode 15/15
15/15

Eh bien, dansez, maintenant

Émois

épisode 15/15

En guise de Danse Macabre, pour moi, celle qui faisait autorité jusqu’ici était celle du Septième Sceau, qu’Ingmar Bergmann le Suédois avait concoctée comme finale à son magnifique film, méditation sur la foi, la religion, les croisades, les amours et la rédemption des gens du spectacle. On y voyait une troupe de comédiens dans une gigue joyeuse, guidée par la mort inéluctable vers l’éternité infernale, ou, pire, un purgatoire indéfini… Des images puissantes, très graphiques, d’une sarabande en ombres découpées sur une colline escarpée.

Henri Jossot, Les Désincarnés.

La véritable somme que Vincent Walckenheim publie ces jours-ci, La Mort dans tous ses états. Modernité et esthétique des danses macabres, vient enrichir et diversifier l’imaginaire et l’imagerie de ce «topos graphique et poétique», en proposant l’étude de pas moins de 104 Danses de mort, peintes, gravées, esquissées, de toutes origines européennes.

Un corpus merveilleux d’inventions, qui alterne tragique et drôlerie.

Un corpus riche et si divers, merveilleux d’inventions, qui alterne tragique et drôlerie, des danses de mort tantôt populaires et festives, tantôt hiératiques et pleines de ferveur. Ce qui frappe est bien entendu l’universalité du thème, la présence de la Mort et des morts dans la vie quotidienne en Europe sur une longue période (ici de 1785 à 1966!).

Dans un monde, le nôtre, où la mort est à la fois oblitérée (l’hôpital et les «homes-mouroirs») et spectacularisée (les images de guerre, les films de gore), le travail prodigieux de Vincent Walckenheim vient poser les bonnes questions: Que faisons-nous de nos morts ?[1][1] C’est la question que pose l’artiste Sophie Calle dans Que faites-vous de vos morts Quelle trace les morts laissent-ils dans notre vie?[2][2] La philosophe Vinciane Despret explore cette question dans ses livres Les Morts à l’œuvre et Au bonheur des morts. Récits de ceux qui restent.
On a en tête Posada et le folklore mexicain qui n’a même pas peur de montrer la mort partout, pour l’exorciser ou tenter de l’apprivoiser. On est moins familier des danses macabres suisses ou françaises, anglaises, italiennes ou allemandes, voire belges (Stan Van Offel – 1925). Bien sûr, les conflits mondiaux ont mis la mort et les squelettes hilares ou grimaçants au-devant de la scène, et l’on parie que la période contemporaine est susceptible de relancer cette funèbre inspiration.

Yan bernard Dyl. Invitation à la valse
Le livre de Vincent Walckenheim opère comme les films d’horreur des années 1930: mettre des images – parfois très cocasses – sur les hantises de temps de crise et de perte de repères.

Bref, la Mort a le vent en poupe, et le livre de Vincent Walckenheim opère comme les films d’horreur des années 1930: mettre des images – parfois très cocasses – sur les hantises de temps de crise et de perte de repères. Quand Eros titube, Thanatos n’est jamais loin pour entamer un pas de danse. Il y a un immense plaisir de découverte dans cet album riche et généreux (931 pages – plus d’un millier d’images!). Et puis, toute l’histoire de l’art et des techniques est évoquée à travers les gravures, lithos, dessins, aquarelles ou peintures, de petits maîtres méconnus aux grandes signatures (à commencer par Hans Holbein, le grand-père de toutes les Totentanz). L’érudition de l’auteur est distillée dans un texte très agréable, rythmé de poésies d’époque pour chanter la mort qui danse.

Curieusement, on sort ragaillardi de cette épopée visuelle, finalement assez joyeuse et rythmée: après tout, quelle est la bande-son d’une danse macabre, et à quoi ressemble le dancefloor de l’au-delà? Frères humains, qui après nous vivez, n’ayez les cœurs contre nous endurcis, comme disait l’autre. On se sent en fraternité-sororité avec ces morts dansants de toutes époques. Les vivants que nous sommes sont après tout des morts en sursis. Alors on danse…


La Mort dans tous ses états/ Modernité et esthétique des danses macabres, de Vincent Walckenheim – L’Atelier contemporain – 39€ (un prix incroyable pour un si bel album!).

Toutes les informations sur le livre sont à retrouver ici.


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