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©Bruits

De la beauté des algorithmes

Émois

Miléna Trivier est une jeune réalisatrice belge qui a déjà plusieurs films à son arc, dont Le murmure des lieux qui nous habitent. Algorithms of Beauty est né au croisement de deux événements personnels qui ont profondément touché la cinéaste. D’une part, la vision d’une image générée par une intelligence artificielle, à travers une expérience interactive intitulée Gloomy Sunday où l’on voit la caméra réinterpréter en temps réel des gestes.

«Nous en sommes aux balbutiements de l’Intelligence Artificielle, et c’est ça qui m’intéresse.» nous confie Miléna Trivier.

D’autre part, la découverte du travail de Mary Delany, femme botaniste du 18ᵉ siècle qui a commencé, à l’âge de 70 ans, à réaliser un herbier. «J’ai été touchée par cette figure complètement à contre-courant, qui s’est consacrée à sa passion – son obsession même – à la mort de son mari et a créé un chef-d’œuvre sur le tard.»

L’ancien et le nouveau

Ces deux sources offrent au film des images complémentaires: les unes alliant la beauté «naturelle» des efflorescences joliment surannées et collectées par une patiente main humaine il y a deux cent cinquante ans; les autres, technico-mathématiques et agencées par d’interminables calculs virtuels créés par l’esprit d’un chercheur au nom distingué: Ambroise Moreau (chercheur au CLICK). «J’ai collecté les mosaïques florales de Mary Delany et j’ai demandé à Ambroise de lancer l’IA sur la création d’une fleur dans l’esprit de la célèbre botaniste. La première image qu’il m’a envoyée était un échec de la machine: un truc gris, inerte. J’étais catastrophée! Plus tard, il est parvenu à en créer 985.»

Une histoire de regard

Une des difficultés dans le processus de fabrication de ce film fut d’obtenir l’autorisation du British Museum de Londres pour filmer et utiliser les images des herbiers de Mary Delany. «Après plusieurs mois de négociations, nous avons embarqué pour l’Angleterre et nous avons pu passer deux heures au plus près de ses fleurs. C’était extraordinaire! C’est là que nous avons tourné, en équipe ultra réduite (à deux), le dernier plan du film.»

Mais si Algorithms of Beauty est aussi riche et profond, c’est également grâce à l’actrice Isabelle Dumont: «J’ai écrit le film en pensant à elle. Je la connaissais à travers ses Cabinets de curiosité. Toute la partie documentaire émane d’elle. Elle est venue, pendant notre résidence à la Fabrique de théâtre (Frameries), avec un coffre plein d’objets: des ciseaux, des modèles de fleurs, tout son univers. J’ai aimé regarder Isabelle qui regardait.»

Miléna Trivier nous livre, avec Algorithms of Beauty, une jolie réflexion sur notre rapport aux images, en liant le fond et la forme: c’est un travail immatériel sur l’immatériel, une archéologie de notre époque décryptant la machine qui œuvre subrepticement au «grand remplacement» de l’humain. Le format court – 21 minutes – permet une grande exigence de la part d’un public qui saura cueillir à la fois toute la beauté des fleurs «algorithmiques» et celle, naturelle, des plantes collectées par un esprit vivant et passionné.

Screenshot. ©Milena Trivier.

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Algorithms of Beauty

Réalisation: Miléna Trivier/Montage: Maxime Coton/Image: Ryszard Karcz/Sound Design: Céline Bernard & Maxime Coton/Musique: Catherine Graindorge/Bruitage: Céline Bernard assistée de Joachim Glaude/Mixage: Rémi Gérard

Une production Bruits film – Maxime Coton en coproduction avec le CBA – Javier Packer-Comyn et deux temps trois mouvements – Quentin Jacques – Avec le soutien du Centre du Cinéma et de l’Audiovisuelle

Le film sera diffusé dans le cadre du festival En ville! au Cinéma Galeries le samedi 04 février 2023 à 18h45 en présence de l’équipe. Réservations ici.


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