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Théâtre au Vert: diversité, simplicité, sincérité

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La PointeLe festival Théâtre au Vert a pour particularité de proposer de l’art vivant en milieu rural. Quelle est votre expérience de cette réalité?

Mathieu NoëlCouvinois de naissance, j’ai très tôt été conscient de la problématique de la culture à la campagne. C’est une question d’accès, d’opportunité de découverte: si on aime la culture, faire 100 km pour aller voir un spectacle ne pose pas de problème, mais avant de savoir qu’on aime le théâtre, c’est compliqué de faire la démarche. Moi-même j’ai fait mes humanités dans le village où j’ai grandi, puis mes parents ont eu la bonne idée de m’envoyer faire mes dernières années à Namur. C’est là que j’ai découvert le théâtre, si j’étais resté dans mon village, je n’aurais sans doute jamais su que j’aimais ça. C’est donc avant tout une question d’occasions, de possibilités de découvrir, pour donner le goût.

Comment se fait la programmation de ce festival, quelles sont les grandes lignes pour la sélection des spectacles?

Je vais vraiment beaucoup au théâtre, par goût, par plaisir – et aussi avec ma casquette de la Commission des Arts vivants [membre de cette instance de la Fédération Wallonie-Bruxelles depuis 2020, Mathieu Noël la préside depuis 2022].

Je suis intraitable sur la qualité technique, mais aussi sur la sincérité de la démarche.

J’essaie d’assister aux spectacles en début de série afin de prévenir les autres en cas d’enthousiasme. Nous sommes une toute petite équipe, on travaille ensemble depuis longtemps, on se fait confiance. Le coup de coeur est le premier point pour la sélection, ensuite les aspects techniques sont importants. Les spectacles peuvent faire l’objet d’une adaptation pour être joués au festival mais cette dernière ne doit pas dénaturer le projet. Parfois on doit renoncer à un projet parce que ça ne rentre pas dans le lieu… Je suis intraitable sur la qualité technique, mais aussi sur la sincérité de la démarche. Jouer au festival, ça ne doit pas juste être une date en plus dans la tournée des artistes. On essaie de soutenir les projets émergents, les projets qui n’ont peut-être pas eu la visibilité qu’ils auraient dû avoir. On donne la priorité aux créations Fédération Wallonie-Bruxelles et on veille à la diversité des propositions qui doivent être accessibles sans tomber dans la facilité. Les festivaliers nous suivent et ça nous permet de programmer des moments un peu plus pointus.

Comme cette année avec «Les Bonnes» de Genêt, dans la mise en scène de Dominique Serron, le grand spectacle d’ouverture…

Oui, c’est Genêt amené à un endroit jusqu’où notre public peut arriver. Certains parmi les spectateurs ont peut-être pour la première fois vu une soprano [Tineke Van Ingelgem], et peut-être qu’ils iront la voir à la Monnaie ensuite… Si on ne connaît pas, si on n’a pas la clef, ce n’est pas évident, c’est une éducation à développer et c’est à ce travail-là qu’on essaie de participer.

Tineke Van Ingelgem et Laure Voglaire dans Les Bonnes, de Jean Genêt, dans une mise en scène de Dominique Serron. Le spectacle de l’Infini Théâtre s’est donné devant les gradins combles du chapiteau des Baladins du Miroir. ©Pierre Bolle

Étant donné la taille et les moyens réduits de l’équipe – personne n’est à temps plein ni même permanent – comment se développe justement la médiation vers un public non acquis?

La médiation est complètement informelle ici, elle se fait par la proximité: on fréquente les mêmes commerces, on se croise, on échange, on parle du festival.

La médiation est complètement informelle ici, elle se fait par la proximité.

Les bénévoles sont des proches: une cousine fait la cuisine pour les compagnies, un frère, l’ouvreur… Le lien n’a pas besoin d’être créé comme c’est le cas ailleurs; il existe. Mais on ne veut pas tomber non plus dans une fête de quartier. Un rapide sondage auprès du public révèle que la moitié vient de la région, et la moitié d’ailleurs.

Théâtre au Vert propose une importante programmation jeune public. Était-ce le cas dès l’origine du festival?

Oui! on a d’ailleurs un partenariat étroit avec l’association Reform. On organise aussi des stages pour le jeune public. Ça participe à la désacralisation du théâtre: les enfants visitent le chapiteau, rencontrent les équipes, les comédiens vont manger au milieu de l’école. Christian Leclercq, le président de l’asbl Théâtre au Vert, était dans la commission de sélection des Rencontres jeune public de Huy, il voyait donc également beaucoup de spectacles. Ça nous permet aussi de fidéliser notre public: quand un festival a 23 ans, le jeune public d’alors est adulte aujourd’hui et il vient lui-même avec ses enfants!

Des fidélités existent aussi avec les compagnies, les artistes…

Des fidélités et du lien. La comédienne Catherine Decrolier a fait quasiment ses débuts à Théâtre au Vert; de nombreuses personnes ont suivi sa carrière à partir de là. Et la prennent d’ailleurs pour une thoricourtoise. Comme pour Véronique Gallo. Son tout premier seul en scène, elle l’avait joué ici. Et elle sera samedi sous le chapiteau avec «Femme de vie».

Véronique Gallo.dans Femme de vie ©D.R.

Cela donne la mesure du mélange des genres que vous cultivez.

Au départ, le festival avait lieu sur un week-end. Maintenant il dure quasiment une semaine: ça permet d’élargir la palette. Les festivaliers ont pris l’habitude de nous faire confiance, on peut se permettre de les emmener ailleurs. Je n’ai pas de tradition à respecter dans ma programmation. J’essaie, à mon échelle, de proposer le reflet de ce qui se crée. Et la cohabitation des genres se passe très bien.

Théâtre au Vert est un des rares événements à ne pas avoir été suspendus en 2020. Comment avez-vous vécu cette période?

Les restrictions de jauge en vigueur à ce moment-là nous ont permis de jouer, en privilégiant les spectacles en extérieur. Les années covid ont mis en évidence à quel point le public était en demande de culture.

Communiquer aux uns le manque des autres, et permettre que la rencontre ait lieu, c’était important.

Ce partage qu’offrent les arts de la scène, c’était un vrai besoin pour les gens, ceci alors que les artistes souffraient de ne pas pouvoir travailler. Communiquer aux uns le manque des autres, et permettre que la rencontre ait lieu, c’était important.

Festival sans lieu et sans compagnie, Théâtre au Vert apparaît puis disparaît chaque année, en espérant réapparaître l’été suivant, ce qui dépend de sa subvention…

On est tout à fait conscients de la fragilité de l’histoire. Les gens sont attachés au festival, bien sûr, mais entre ça et se battre pour qu’il continue d’exister, il y a de la marge. La négociation du contrat-programme précédent avait été très compliquée. Pour le nouveau, on est dans l’expectative. Tout en sachant qu’un tel événement demande moins d’énergie à maintenir qu’à créer… Mais en effet: une maison, ça existe. Ici c’est éphémère: vous revenez lundi et il n’y a plus rien. La page blanche c’est un plaisir mais aussi un vertige.

Festival Théâtre au Vert, à Silly-Thoricourt, jusqu’au 20 août. Programme complet: https://www.theatreauvert.be/


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