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©Mélusine Gheur

Rabibochées

En chantier

La Fabrique se dresse comme un vieux collège dans les alentours de Mons. C’est la directrice elle-même, Valérie Cordy, qui nous embarque dans la petite salle où aura lieu ce qu’on appelle ici «la restitution», une sortie de résidence volontaire. Nous traversons une cour au ciel bleu électrique. Ce soir, c’est Suzon Gheur et Jeanne Decuypere qui nous présentent les premières étapes de travail de Rabibochées: un spectacle de cirque sur le lien, qui a tout d’un récit poétique.

Rabibochées, c’est l’histoire de Sacha et Lulu, d’un lien au départ indéfinissable: est-ce de l’amour ou de l’amitié? L’amitié est une forme d’amour, répondent-elles. Une forme d’amour sans dépendances, qui s’autorise aussi la distance et quelques césures. Faire un spectacle sur l’amitié, c’est traduire dans un langage artistique, un espace qu’on crée continuellement, riche de nuances et qui fluctue sans arrêt. 

©Mélusine Gheur

Ce spectacle naît d’abord de leur propre amitié et de leur complicité sur scène. Il se construit sur la base de propositions de jeu qui deviennent alors des trouvailles à tester et le récit s’écrit peu à peu.

La trapéziste chiffonne les artifices, s’en débarrasse et ose un art de la vulnérabilité.

Suzon Gheur a une vision bien propre du cirque aérien, initialement très féminin: déconstruire sa binarité, ses codes et s’en amuser. Dans sa création Tearaway, elle prend plaisir à se réapproprier cette pratique en sortant d’une sensualité qui lui est presque inhérente, pour raconter autre chose et inventer un langage corporel plus brut. La trapéziste chiffonne les artifices, s’en débarrasse et ose un art de la vulnérabilité, juste et sincère. Cela transcende aussi son prochain spectacle.

Avec sa partenaire de scène, Jeanne Decuypere, elles tendent à une pratique qui remet le corps au centre. Toutes deux soulignent l’importance de faire corps à nouveau, dans un monde digitalisé qui nous pousse à l’immobilité. Aujourd’hui, le corps est réduit à des codes esthétiques aussi changeants qu’exigeants et homogènes. Il s’efface lui aussi, le binôme parle de le réinvestir autrement. Pour elles, le cirque est, au-delà d’une discipline technique, un outil au service d’un propos dans lequel insuffler une certaine spontanéité.

Rabibochées touche, quel que soit l’âge; on y projette simplement des choses différentes. Il laisse au regard sa liberté et irradie de tendresse. La fluidité des gestes, la maîtrise des corps complices sont autant que le plateau, des espaces de jeu et d’expérimentation. La technique disparaît presque derrière l’idée d’un tout intuitif qui nous emporte. C’est un récit simple mais profond sur le lien à l’autre, sa fragilité et le conflit comme opportunité, non comme rupture.

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Rabibochées passera les sélections pour les Rencontres Théâtre jeune public de Huy en vue d’une première dans ce cadre en 2024.

Plus d’infos sur le site de la compagnie Breaked.


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