RECHERCHER SUR LA POINTE :

Nicolas Buysse ©Alice Piemme.

Un spectacle par ses costumes

En ce moment

Le spectacle s’appelle Greenville. C’est l’histoire d’un groupe de rock fictif. Les conditions de création étaient spécialement courtes, et tout a été très vite. Covid faisant, nous sommes passés de cinq semaines à quatre semaines de répétition, afin de garder du temps de travail pour la reprise l’année suivante, quand le spectacle pourrait enfin être joué. J’ai fait la création des costumes en trois semaines, ce qui est très peu étant donné qu’il y a cinq acteurs sur le plateau. Je n’ai donc pas fait de maquette. Il y avait une forme d’évidence et de simplicité.

Les personnages étaient tous membres d’un groupe de rock. L’histoire aurait pu se passer dans les années 1990 ou 2000. Durant ces années, le groupe a eu une renommée internationale. Et puis il y a quelque chose qui s’est mal passé et le groupe, comme tous les groupes mythiques… Pour une fois, la création de costumes était très liée avec le travail du créateur son, Guillaume Istace. Il avait conçu un mashup (mixer plusieurs morceaux pour en créer un nouveau) avec différentes sonorités qui rappelaient celles de groupes emblématiques, tels que Radiohead ou les Doors. Il y avait donc déjà certaines couleurs.

Les comédien·nes avaient tous·tes la quarantaine. Il fallait faire avec leurs âges tout en évoquant des personnages plus jeunes. Mais ils·elles jouaient aussi d’autres personnages (un producteur, un disquaire, des fans, des journalistes…) et la théâtralité de ce spectacle demandait qu’ils·elles puissent, avec de tout petits accessoires, passer du statut de comédien·ne/narrateur·trice, aux membres du groupe, et à ces autres personnages.

On a donc décidé d’avoir une silhouette de base à accessoiriser en fonction des différents personnages.

On a donc décidé, selon un principe assez classique, d’avoir une silhouette de base à accessoiriser en fonction des différents personnages incarnés ou esquissés. Il fallait une base rock mais qui colle à chaque acteur·ice, sans en faire trop. Avec Régis Duqué, le metteur en scène, on a regardé beaucoup de photos, et la sobriété et la classe de Nick Cave a été notre inspiration pour ces silhouettes de base, en amont des répétitions.

Cédric Juliens, Daphné d’Heur, Nicolas Buysse, Renaud Van Camp et Eno Krojanker ©Alice Piemme.

Mais comme les acteurs n’étaient pas Nick Cave, j’ai passé du temps à les regarder bouger pour trouver la transposition la plus juste en fonction du corps de chacun·e des acteur·ices et de ce qu’ils·elles dégageaient, dans leur singularité. Par exemple, pour Renaud Van Camp, qui est très grand et qui pouvait avoir quelque chose de Jim Morrison dans le maintien au niveau du bassin, j’ai opté pour un jean noir, assez moulant, taille basse pour marquer les hanches, qui devait serrer la jambe pour souligner sa silhouette longiligne, une très grosse boucle de ceinture argentée, avec un pull col roulé assez seyant et des santiags basses. Renaud n’a pas une dégaine comme ça dans la vie, et du coup il était très content parce qu’un tel costume le déplaçait. Cette base fonctionnait ensuite avec son autre personnage, un disquaire: en mettant au-dessus un blazer à petits carreaux fins, ça marchait bien. Ça, ça a été la première silhouette pour ce spectacle.

Renaud Van Camp ©Alice Piemme.

Pour Cédric Juliens, il fallait aussi trouver une façon de le déplacer sans qu’il ait l’air «costumé». J’ai trouvé une chemise avec des manchettes repliées portées sans boutons, et des lunettes assez effilées qui donnaient à sa silhouette le petit air débraillé de Bashung, et des bottillons noirs pointus. En changeant de lunettes, et par l’ajout d’une veste en cuir ou d’une veste en fourrure, il pouvait s’amuser à passer à d’autres personnages comme un journaliste ou un producteur raté.

Pour Nicolas Buysse, on est partis d’un costume vraiment inspiré de ceux que porte Nick Cave, une vraie classe, et j’ai amené des bagues très voyantes. Il a pris le temps de les choisir, de choisir à quels doigts ça lui plaisait de les porter. Ce détail l’a aidé à passer au début du spectacle d’une position de narrateur à celle d’un membre du groupe de musique.

Nicolas Buysse ©Alice Piemme.

Ils ont tous des lunettes de soleil, et cela marchait très bien comme signe d’icône du rock !

©Alice Piemme.

Et puis, il y avait Eno Krojanker, qui portait un costume deux pièces rouge. C’était un costume de répétition, amené tout au début du travail, qui lui allait comme un gant. Au début, je n’étais pas sûre, j’avais peur qu’il ne prenne trop de place par rapport aux autres, dans un souci d’équilibre visuel. Mais Eno l’a tout de suite adopté, et ça s’est imposé comme le bon costume pour lui, avec quelque chose d’un peu plus dynamique, qui colle à son jeu. On a ensuite fait des variations: sans veste, manches relevées pour un commentateur, une veste rétro et une valise pour le collectionneur. Il suffit de peu de choses pour se déplacer d’un personnage à un autre en termes de costume! Au final, ça se passe surtout dans le corps des comédien·nes.

Daphne D’Heur ©Alice Piemme.

Pour le costume de Daphné D’Heur, la seule femme, je ne voulais pas qu’elle porte une jupe. Mettre la seule fille en jupe, cela aurait revêtu les rapports d’une connotation sexiste. Il a fallu trouver la ligne qui la lie aux autres membres du groupe, sans pour autant chercher à la masculiniser non plus. Et trouver sa référence à elle, en tant que star du rock. Du coup, nous nous sommes plutôt orientées vers des idées à la PJ Harvey.

En savoir plus: le spectacle est à voir en ce moment au Rideau (Bruxelles).


Vous aimerez aussi

Sandrine Bergot, artiste, créatrice, cofondatrice en 2007 du Collectif Mensuel, prendra le 1er septembre la direction du Théâtre des Doms, vitrine de la création belge francophone à Avignon. ©Barbara Buchmann-Cotterot

Sandrine Bergot, cap sur les Doms

Grand Angle
À gauche, Daniel Blanga-Gubbay et Dries Douibi, codirecteurs artistiques du Kunstenfestivaldesarts à Bruxelles, et, à droite, Jessie Mill et Martine Dennewald, nouvelles codirectrices artistiques du Festival TransAmériques (FTA) à Montréal | © Bea Borgers et Hamza Abouelouafaa

Diriger un festival: à deux, c’est mieux

Grand Angle