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Chaque semaine, un petit billet subjectif d'une émotion de spectateur en salle de cinéma. Sans la moindre prétention objective, en se dégageant (ou pas) des sorties, je vous partage une histoire qu'on m'a racontée dans le noir!
épisode 11/12
11/12
©2024/Wildcard distribution/Tous droits réservés

Le Pacha, ma mère et moi

Émois

épisode 11/12

Nevine porte l’héritage d’une mère kurde, exilée et activiste au quotidien pour la cause de son peuple. Le film raconte cette confrontation mère-fille au cœur de la question de la transmission; Quel héritage portons-nous? Comment s’en libérer tout en donnant sens à nos racines et en aidant les générations futures à construire leur identité?

Très envie de vous parler de ce petit film. Petit par ses moyens de production, la taille de son équipe et sa durée, mais surtout par le geste minimal de Nevine Gerits, une mère qui nous parle de la sienne, de leur relation et de l’ombre de son cri, long de 40 ans pour la mémoire du Kurdistan.

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C’est un peu lyrique mais c’est pour mieux vous dire que parfois les belles émotions naissent des choses les plus simples.

À la première approche, tout semblait annoncer à l’avance le programme. Et pourtant, ce fut une surprise d’entendre cette voix bien sympathique (la réalisatrice fait la voix off) qui tente de nous expliquer un mystère maternel encore irrésolu. En filmant sa mère pendant plus de huit ans, Nevine espère révéler quelque chose de ce lien, dont on devine qu’il s’est un peu relâché avec les années.

Si je voulais aujourd’hui vous parler de ce film de 2023, attrapé au hasard de la super programmation de Ciné Flagey, que vous aurez malheureusement bien du mal à voir en salles, c’est pour vous encourager à vous glisser dans une de ces petites séances documentaires qui sont légion à Bruxelles entre le Vendôme, l’Aventure et donc CinéFlagey. Quand on tombe sur un bon film, on se sent vraiment privilégié.

De tous temps, le rôle central de l’enfance et de la famille dans le cinéma belge trouve un bel écrin dans ces projections modestes, locales, souvent accompagnées de leurs équipes de tournage. En serrant la main de la mère de la réalisatrice après la séance, j’ai eu la sensation d’avoir passé une soirée originale chez de charmants inconnus. Bien sûr, tous ces films évoluent sur un fil ténu, frôlant en permanence l’excès de didactisme ou de misérabilisme. C’est que l’émotion se love dans cette tension entre la retenue et la confession.

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À ce jeu, Le Pacha, ma mère et moi semble d’abord être le récit de l’engagement pour la cause Kurde de cette femme et de l’impact sur sa vie de famille. Mais Nevine Gerits ne cherche pas à gagner la partie; elle ne s’intéresse pas à nous expliquer le génocide par le menu, sa mère n’a de cesse de le faire pour elle. Ce qu’elle cherche, plutôt, c’est une connexion, que le prétexte de la caméra délie les langues. On juge le passé, on regarde un peu l’avenir, on rit, on danse, on se rappelle. Et au bout du compte, le temps long et l’effort soutenu permettent de faire émerger la vérité.

Cette mère, toujours en contrôle, abandonne les armes une seconde pour danser et plaisanter avec son mari, chaleureux, qui la regarde avec les années d’habitude. C’est une famille où la parole est précieuse parce qu’elle est précise et qu’elle a le pouvoir de faire bouger la pensée. Et à la fin du film, alors que Gerits regarde son propre fils grandir, on sent que quelque chose a été compris, même sans les mots.

Le Pacha, ma mère et moi
BEL 2023
Réalisateur: Nevine Gerits
Producteur: Image-création
Genre: Documentaire, portrait
Durée: 1h23 min


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