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Éloge de mon Claude MC

Émois

Ce soir c’est MC Solaar. THE MC Solaar, le héros de mon adolescence, dont je ne puis que faire l’éloge!

 MC Solaar, c’est l’icône de ma génération. C’est un rythme particulier et une voix que tout le monde connait, jusqu’à nos mères. La mienne, elle m’offrait tous ses albums qui trônaient ensuite dans ma chambre emplie de ses posters.

Redevenir, l’espace d’un instant, des ados des années 1990.

Avec sa chemise colorée et son béret, il nous portait, nous, les adolescent·es  des années 1990-2000 à rêver de mille vies et certainement pas de celle que la société cherchait à nous imposer. MC, c’est le monde d’avant les smartphones, ce monde moins connecté dans lequel on cherchait à se relier les uns aux autres mais autrement.  MC, c’était un peu le conseiller de nos heures éperdues qui nous faisait danser à côté de notre vieille chaîne hifi en nous prenant pour des gangsters modernes et en répétant ses phrases que nous connaissons encore par cœur aujourd’hui..

Le «rappeur-poète», qui assume avoir essayé de «donner des lettres de noblesse au rap pour éviter qu’il soit totalement stigmatisé» donnait un concert depuis longtemps sold-out ce 17 octobre au Théâtre National dans le cadre du Festival des Libertés. Après avoir fait des pieds et des mains pour obtenir une place, j’y étais!

Le pionnier du rap français, mu par l’envie de recréer dans la joie, revient avec son nouvel album Triptyque: Lueurs Célestes.  Disparu pour mieux réapparaître, MC est bel et bien de retour pour le grand plaisir d’une foule de trente-quarantenaires qui, tout comme moi, ont sauté sur l’occasion pour redevenir, l’espace d’un instant, des ados des années 1990.

©Thomas Faivre-Duboz – originally posted to Flickr as MC Solaar/Invité du RH Factor, CC BY-SA 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7872917

Nous ne connaissons pas l’homme derrière l’artiste, le Claude derrière le Solaar. De parents tchadiens immigrés en France, MC Solaar se vit comme un gamin des banlieues, de Saint Denis, un gars d’Evry qui ne cherche pas à mettre en avant son identité car «d’autres l’avaient déjà fait dans leurs morceaux avant lui», mais qui aime se balader, en prenant son temps pour observer les réalités qu’il traverse, comme dans une sorte de «slow life» qui lui permet de créer. Il s’imprègne alors du monde pour le mettre en musique.

 Je suis au 7ᵉ ciel
Ma tour est plus belle que celle de Babel
Je vais à l’école buissonière
Je gère
Et dans la ville j’erre
Ne me parle pas de travail à la chaîne
J’veux pas devenir comme Kurt Cobain
Le maire deale douze idées dans le quartier
Et les parents s’en vont voter
Il a des récits propres
Offre le bonheur comme un clip de Réciprok
Il lève les bras se balance pour qu’on vote pour lui
A chacun son paradis

(Paradisiaque, MC Solaar)

MC Solaar, c’était surtout le rappeur qui ne se prend pas au sérieux tout en abordant des thèmes sérieux, c’était le rythme et la raison qui se fondaient dans cet univers de banlieues, de stars shootées, de cow-boys modernes, d’histoires d’amour impossibles. Du «Nouveau Western» à «Bouge de là» en passant par «Solaar pleure» ou «Caroline», nous nous délections de cet univers poétique et moderne qui rendait déjà nos esprits alertes. S’opposant à la culture de l’image et de l’instantanéité, MC nous enjoignait de ne pas être des consommateurs nourrissant la machine capitaliste, des «victimes de la mode». Il aiguisait notre sens critique tout en invitant à métamorphoser la langue.

Les States sont une sorte de multinationale, elle exporte le western et son modèle féodal
Dicte le bien, le mal, Lucky Luke et les Dalton, sont camouflés en Paul Smith et Weston
On dit que ce qui compte, c’est le décor
L’habit ne fait pas l’moine dans la ruée vers l’or

(Nouveau Western, MC Solaar)

Il n’y avait que Claude MC pour se payer la tête du monde et de Lucie et ses trente millions d’amis mais toujours avec tendresse. Pour se composer un arsenal de mots, il va chercher dans les journaux, les revues; il s’inspire de Gainsbourg et Renaud, mais aussi d’ artistes américains tels que Bid Daddy kane, MC Eiht du groupe Compton’s Most ou les Geto Boys, pour créer son style,  lent et moderne. [1][1] Les mots ont-ils encore un sens ? Entretien croisé MC Solaar et Oxmo Puccino.

«J’aimais mettre plein de mots ensemble et voir quelles images en sortaient» raconte-t-il. La poésie c’est  l’art de faire surgir des phrases qui percutent en racontant le monde.  Et si ses chansons percutent encore, qu’elles nous habitent aujourd’hui, ce n’est peut-être pas par nostalgie d’une époque qui nous semble perdue mais parce que tout l’arsenal qu’il a mis en œuvre est résolument moderne. Et peut-être parce qu’on a plus que besoin aujourd’hui de ce drôle de rapport au monde.

Et quand MC chante ses récents morceaux sur la scène du Théâtre National, nous absorbons ses nouveaux mots, ses rythmes neufs avec l’envie de déjà les connaître par cœur. Oui Claude est MC est bel et bien de retour, l’as du rap français piquait, pique et piquera encore longtemps nos cœurs!

Je suis l’as de trèfle qui pique ton cœur
L’as de trèfle qui pique ton cœur
L’as de trèfle qui pique ton cœur, Caroline

Comme le trèfle à quatre feuilles, je cherche votre bonheur
Je suis l’homme qui tombe à pic, pour prendre ton cœur
Il faut se tenir à carreau, Caro ce message vient du cœur

(Caroline, MC Solaar)


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