Slameur et programmateur
Grand Angle18 avril 2022 | Lecture 1 min.
épisode 9/18
Professions: auteur, comédien, slameur, et (ancien) programmateur/coordinateur à la RainbowHouse Brussels et à la Zinneke Parade.
Dernière création:
Un recueil de poésie, Scandale! chez L’Arbre de Diane (2022).
La Nature contre-nature (tout contre), spectacle (one-man show) et livre coécrit avec Leonor Palmeira, créé en 2015, qui continue d’évoluer et de tourner. Répertoire de chansons et de slam, en collaboration avec divers groupes et musicien·nes.
En cours: Projet musical Pierre Rococo, enregistrement d’un album intitulé Divinités, en collaboration avec plusieurs beatmakers (Les Hommes Boîtes, Icham, Clem Thomas, Damien Magnette).
Formation: Langues & Littératures romanes (ULG), école de théâtre corporel Lassaâd (un an), autodidacte (chant, danse, musique).
Comment es-tu devenu, auteur, comédien, slameur, et chargé de projets?
J’ai grandi dans la région de Liège où je faisais du théâtre en amateur avec Luc Jaminet, adepte de la pédagogie Lecoq. J’ai toujours voulu mêler à la fois l’écriture, le mouvement poétique et la scène. Après des études en littérature à l’ULG (mon mémoire portait sur le lien entre texte et mouvement dans les sketchs de Raymond Devos) et en théâtre à l’école Lassaâd de Bruxelles, j’ai intégré un collectif de cabaret burlesque où je créais des numéros très queer; j’aimais que mes personnages se transforment sur scène de manière fluide.
Mon diplôme de romanes m’a servi pour trouver du boulot dans l’événementiel, le social et le culturel, c’est comme cela que j’ai été engagé à la RainbowHouse de Bruxelles comme programmateur/coordinateur du Pride Festival, et ensuite à la Zinneke Parade, dans une fonction similaire mais plus en lien avec les associations de quartier.
Qu’est-ce que ce second métier t’apporte?
La transmission est quelque chose de très important pour moi, et notamment ce qui traite de la fluidité des genres, des questions queer et des discriminations.
Ce sont des thématiques qui sont souvent abordées de façon maladroite par des personnes non concernées, et j’ai à cœur de le faire de la meilleure manière possible. J’ai appréhendé mon travail à la Rainbow avec ma fibre artistique personnelle. J’avais envie que les artistes queer soient pris au sérieux en tant qu’artistes à part entière et pas uniquement comme «représentant·es d’une communauté». Il me semble que cela est profitable pour tout le monde, y compris pour le militantisme.
D’autre part, c’était intéressant pour moi de passer de l’autre côté, en quelque sorte; c’est-à-dire que pour la première fois, c’était moi qui programmais d’autres artistes, notamment pour «The Sassy Cabaret» qu’on a organisé 3 années de suite au Centre Culturel Jacques Franck. Je pouvais offrir aux artistes que j’aimais et que je voulais soutenir – comme le chanteur Jaouad Alloul, la·e danseur·euse Jhaya la Vogue – une «vraie» scène.
Pour la Zinneke, je faisais surtout de la facilitation pour des initiations de projets. J’ai beaucoup aimé le contact avec les associations et la création participative et intercommunautaire qui y est développée. Et même si le projet Zinneke est profondément social, il a aussi des qualités artistiques indéniables.
Y a-t-il un lien entre tes activités professionnelles et ta pratique artistique?
Après plusieurs années à la Rainbow, j’ai arrêté parce que mes missions touchaient profondément à des choses très intimes, à mon identité; j’avais parfois l’impression d’être réduit à cette identité queer, et même si je l’assume avec beaucoup de joie et de fierté, le reste de ma vie passait en second plan et c’était devenu impossible. Mais cette expérience m’a beaucoup marqué: d’une part pour les rencontres artistiques et associatives que j’ai pu y faire, d’autre part parce que j’ai beaucoup avancé dans mon cheminement personnel et que j’ai pu étudier de près les enjeux politicaux-sociétaux LGTBQI+.
Mon expérience à la Zinneke m’a clairement inspiré pour deux textes: «Le Canal», un slam qui parle du projet de gentrification autour du canal à Bruxelles et plus largement de cette dynamique de «nettoyage de paysage» qui est à l’œuvre dans certains quartiers et chez certains politicien·nes; et «Le Chasseur cueilleur» qui parle de ma déception en tant que travailleur dans le domaine socio-culturel: je pensais au départ que j’allais pouvoir développer l’artistique par des projets sociaux, et je me suis retrouvé au final à devoir remplir des tableaux Excel et à compter mes heures supplémentaires passées la plupart du temps en réunions inefficaces. Je caricature, bien sûr, mais je me suis vraiment senti déconnecté de mes rêves. Dans ce texte, j’ai utilisé l’image des masques pour évoquer l’hypocrisie de certains projets socio-culturels, et l’humour, qui est la politesse du désespoir… Écrire ce texte m’a aidé à comprendre qu’il était temps que je quitte ce boulot.
Comment as-tu vécu le premier confinement?
Le fait que les dates de représentations de mes spectacles ont toutes été annulées était très dur, mais le confinement m’a permis de faire un pas de côté par rapport à mon travail salarié et de développer davantage ma pratique artistique. Je me suis mis à dessiner de manière assez obsessionnelle. J’ai publié certains de mes dessins sur les réseaux sociaux et petit à petit j’ai eu des demandes pour des illustrations de texte ou autre. Cet aspect-là a été très positif. J’ai aussi commencé à enregistrer mes chansons, en vue d’un album dont je suis très fier.
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