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KIKK2024©Quentin Chevrier

Boom Boom Tchak

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Un jeudi dédié aux conférences. On aime Namur et le KIKK pour l’incroyable professionnalisme de l’organisation et l’affabilité de tout le monde. Ça roule et c’est cool. Ce qui permet d’enchaîner 7 conférences avec fluidité et d’en redemander! L’héroïne de ce premier jour, c’est l’IA bien sûr, qui tend à toutes les professions visuelles, aux plasticien∙nes et aux communicateurices, un miroir très sombre et leur offre un dilemme digne de Philip K. Dick: allons-nous vers l’extinction à court terme (des métiers, voire de l’humanité) ou faut-il passer un pacte faustien avec les «Superintelligences»? That’s the question.

INESALPHA, selfie ©DR

Iris Ceuppens et Amélie Dinh du studio Bakken & Baeck, spécialisé en design technologique, ouvraient le bal et ont avec brio retracé l’historique de l’IA depuis ses premiers visuels cauchemardesques (rappelez-vous, les gens avec des doigts superflus et des mâchoires élastiques. Horrible et fascinant). À travers leur exposé, les deux designers établissent le schéma d’un fonctionnement d’intelligence artificielle, ou plutôt le type de métaphores utilisées pour en parler et leur donner un imaginaire commun, qui mêle les tropes de la science-fiction et la volonté d’humaniser les «robots» qui deviennent nos interlocuteurs, pour garder avec eux un lien, une projection émotionnelle. Passionnant portrait d’une histoire technologique toute récente et déjà «toujours là», semble-t-il.

Planet city, de Liam Young Production ©Producers Well Played Studios, HTC Vive Arts, Victoria Chang

Le film de Liam Young, Planet City, éclaire de manière très glauque un univers post écroulement, une utopie après la dystopie, en quelque sorte, qui imagine le regroupement de toute l’humanité dans une seule cité-monde qui couvrirait la moitié de la terre – l’autre moitié étant rétrocédée à la nature… Une vision et un message qui pourraient être d’espoir, si la visualisation ne donnait pas envie de se pendre. Il n’y a plus d’humains, plus de nature, plus d’animaux et une terre «disciplinée» et structurée comme un dérapage de Blade Runner.

Sadie Spencer, Swamp ©DR

On se refait un moral avec l’intervention de Sadie Spencer, qui, au sein de Swamp, bâtit des narrations interactives et immersives. Des films dont vous êtes le héros et l’héroïne, des histoires souvent secouantes/sanglantes et émotionnellement tourneboulantes. Les gens de Swamp viennent du théâtre, des arts de la scène, pas de la communication, et leur savoir-faire mêle Stanislavski, AI et Méliès.

Mouna Andraos et Melissa Mongiat, Daily tous les jours ©Richmond Lam

Le moment fort de la journée, pour moi, est sans conteste l’intervention du duo Mouna Andraos et Melissa Mongiat. Daily tous les jours est un studio d’art et de design canadien qui concocte avec science et poésie des expériences collectives en espace public. Il s’agit de «réenchanter la matière première de nos expériences quotidiennes collectives». Et c’est génial. Transformer la rampe d’accès d’un musée en passerelle musicale, installer des balançoires sonores et lumineuses pour offrir des opportunités de communication aux êtres solitaires que nous sommes devenus, écouter les arbres sur des perchoirs, parler dans et aux forêts… Chaque idée, chaque concept est juste, inspirant et donne envie d’un futur orchestré par le duo. Nous y reviendrons. «Strangers need strange moments together» est le titre de leur conférence, du très chouette livre qu’elles ont édité, et un vrai programme d’action pour adresser le monde en capilotade dont le portrait s’esquisse dans la journée. Sans compter qu’il tombe des hallebardes sur la place du Théâtre…

Tamara Shogaolu est cinéaste, fondatrice du studio Ado Ato, venant de Panama, et interroge les archives de la colonisation, à la recherche des souvenirs communs et effacés. Un travail de mémoire, un «Je me souviens» de Pérec sur fond d’esclavage et de colonialisme, ancré dans les souvenirs des histoires racontées par sa grand-mère. Face à notre monde de mémoire immédiate rabougrie (un fil de Facebook s’oublie en une micro seconde) et où tant de choses ont été délibérément oubliées, raconter des histoires devient un acte de survie. Tamara Shogaolu transforme toutes ces données très délicates en installations, animations, films interactifs, et crée un univers parallèle qui parle au cœur et affûte l’humain.

 On retiendra surtout de la prestation de Miguel Espada le très chouette clip musical de OK GO. La rencontre de l’art et de la technologie exalte ce docteur en mathématique, amateur de short rouge et joyeux bidouilleur à l’ego assumé.

Faire la clôture d’un programme de conférences n’est jamais tâche aisée. Le public a faim et soif, et certains piquent du nez dans la chaleur ouateuse du Théâtre de Namur. Mick Champayne s’en sort haut la main, dans une auto-narration joyeuse à l’enthousiasme communicatif. Moitié illustratrice, moitié responsable de la section Delight chez Google, qui crée des animations surprises, son histoire est celle d’une résilience après des épreuves de vie difficiles. Un récit très américain, mais surtout une ode à l’accident heureux, à la créativité, à base de petits crobards cocasses, où les culs et les pets se taillent la part du lion (si, si). Drôle, tonique et absolument nécessaire!

Au programme de demain, il y a du Pentagram, du Base Design et de la robotique joyeuse! On s’y retrouve.

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KIKK Festival – Du 23 au 26 octobre 2025 à Namur (divers lieux et installations dans toute la ville).  Renseignements et billets ici.


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