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Le meilleur des expos pointées pour nous.
épisode 5/7
5/7
Adrien Lucca @Leslie Artamonow.

À Charleroi, Liège et Paris

En ce moment

épisode 5/7

Adrien Lucca au BPS22 à Charleroi

Pourquoi y aller?

Le BPS22 est le musée de la collection de la Province de Hainaut dont on ne dira jamais assez à quel point elle est d’une immense qualité. Le BPS22 est l’une de ces institutions dont il faut suivre fidèlement la programmation. Elle ne cessera de vous surprendre. À titre d’exemple, leur précédent cycle d’expositions mettait notamment en lumière deux figures de l’ombre du marché de l’art en Belgique, pour mieux nous révéler la profondeur de leurs pratiques: les fascinantes années conceptuelles du Liégeois Jean-Pierre Ransonnet et l’intimité passée au filtre de la transgression par la sérigraphie de Jean-Pierre Point (hélas décédé quelque temps avant l’inauguration).

Adrien Lucca ©CV.

Qu’est-ce qu’on y voit?

La première exposition monographique muséale d’Adrien Lucca (1983), un artiste français installé à Bruxelles depuis ses études à l’ERG. Sa pratique a pour territoire les questions de lumières et de perception des couleurs. La curatrice Dorothée Duvivier a eu la très bonne idée de proposer une vision globale de son travail. Montrer simultanément et pour la première fois ses recherches initiales en les confrontant avec de nombreuses pièces inédites. Soucieux du moindre détail, l’artiste à fait repeindre l’ensemble de l’immense salle Dupont dans une tonalité sombre qui permet à ses œuvres de se révéler dans une majesté inégalée.

La première œuvre que l’on découvre nous plonge, avec un très beau sens didactique, au cœur des enjeux de son travail.

Ce que nous vivons là se situe aux confins de la perception…

Au sol sont posés des résidus de verre récupérés dans des ateliers de maître verrier. Triés par couleurs, ils apparaissent massifs et fascinants. À peine notre regard saisit leurs différentes couleurs, celles-ci commencent à se modifier imperceptiblement. Cette transformation provient de lampes conçues par l’artiste. À nos yeux d’humains, elles ne diffusent qu’une lumière blanche, mais de subtiles variations nous font voir les couleurs différemment. Ce que nous vivons là se situe aux confins de la perception…

À l’étage se déploient principalement ses travaux sur papier, absolument fascinants! Les planches, toutes réalisées de la main de l’artiste, forment une sorte de chaînon manquant entre l’optique et l’art abstrait géométrique. Leur finesse et leur diversité formelle en font aussi un grand moment de l’exposition.

Soyez attentif·ves

Sur le plus grand mur du rez-de-chaussée, des petits élément sont éparpillés, qui sont comme autant de fragments d’autocollants oubliés. Ils sont disposés savamment, afin de constituer un ensemble qui pourrait être une sorte de galaxie. Quelques instant plus tard, par le même principe de lampe décrit plus haut, se révèle un maillage de points rouges, comme une dentelle se posant sur le mur, qui vient complémenter cette galaxie. Cette forme est le fruit d’un calcul algorithmique conçu par l’artiste. Là où les mathématiques rejoignent le sublime. Infinie délicatesse et tour de force, tout cela dans une même œuvre. Grandiose!

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Informations pratiques:

Adrien Lucca, le secret des couleurs

BPS22
Bd Solvay 22, 6000 Charleroi
Du mardi au dimanche de 10h à 18h, jusqu’au 27 août 2023.
• 6 € Adultes
• 4 € Seniors, groupes à partir de 10 personnes.
• 3 € Étudiants, demandeurs d’emploi.
Gratuit pour les personnes possédant un museum pass.

Private Views. Collections privées d’art contemporain à la Boverie à Liège

Pourquoi y aller?

On parle de plus en plus souvent de collectionneur·euses, mais on associe ce terme à l’histoire de l’art (Les Médicis, Barnes, Chtchoukine, par exemple) ou à des milliardaires (Pinault, Lauder, Saatchi…). Si la Belgique est une terre de collectionneurs (souvent des hommes), ceux-ci proviennent plutôt du nord du pays ou de Bruxelles.
Cette exposition tord le cou à cette idée reçue. En effet, quelques superbes fruits de 21 collections privées liégeoises sont présentés ici, qui nous permet aussi de vivre toute la beauté du vaisseau qu’est la Boverie.

Vue de l’exposition ©CV.

Qu’est-ce qu’on y voit?

Le parti pris d’Yves Randhaxe, le commissaire de l’exposition, était de mettre l’accent sur les œuvres et non pas tant sur les collectionneurs eux-mêmes. Montrer les passions plutôt que simplement rassembler des œuvres d’art. Celles-ci ne sont d’ailleurs pas cantonnées à la stricte interprétation de leur collectionneur. Elles sont libres et brillent par leurs différentes qualités: force, poésie, représentativité, flamboyance, retenue… Le parcours est rythmé à chaque section par une œuvre issue des collections du musée, provenant à l’origine d’une collection privée.

On est ici tout à la fois dans un geste poétique et politique (le patrimoine privé est aussi un acte public: celui du soutien aux créatrices et créateurs vivant·es).
L’exposition permet aussi de souligner l’engagement profond des collectionneurs rassemblés localement, qui témoignent d’un dynamisme jamais démenti (Marc Angeli, Michael Dans, Pierre Gérard, Pol Piérart, Marie Zolamian…).
Cette exposition, à la densité incroyable – elle occupe l’ensemble du rez-de-chaussée du musée – mérite probablement plusieurs visites, avec un angle à chaque fois différent: celui des œuvres, des personnes qui se cachent derrière chacune des acquisitions, de la relation scénographique absolument inédite… Il est à souligner que le catalogue de l’exposition est un élément central du dispositif puisqu’il permet d’entrer dans la pensée des collectionneurs.

Soyez attentif·ves:
Il est difficile dans une exposition aussi immense de souligner une œuvre en particulier. Un tel rassemblement aux accents si contrastés est plus un magnifique appât pour donner envie d’en savoir plus à propos des différents artistes exposé·es. La majesté d’un Hantaï, la retenue de Dan Van Severen ou de Marthe Wéry, la fantaisie de Joanna Vasconcelos ou de Moffat Takadiwa émerveilleront les personnes désireuses de vivre mille facettes de l’art d’aujourd’hui.

Un souhait profond d’accompagner les œuvres.

Bien entendu, c’est toujours un grand plaisir de découvrir des pièces intimes ou grandioses d’artistes que l’on connait déjà, mais j’ai été particulièrement frappé par deux œuvres d’un artiste qui m’était absolument inconnu, issues de la collection Philippe Crismer: René Debanterlé. Tendresse et force mêlées dans deux petites gouaches qui disent beaucoup de l’importance de collectionner avec ses yeux et non avec ses oreilles. Ne pas se limiter à des noms qui claquent auprès de personnes que l’on cherche à impressionner, mais bien poser son attention sur des pratiques découvertes par une curiosité personnelle. À ce titre, il est intéressant de voir le nombre d’œuvres relevant de l’art imprimé présentes dans l’exposition, qui témoignent d’un souhait profond d’accompagner les œuvres et non pas de rassembler des collections uniquement pour impressionner ses voisins.

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Informations pratiques:
Private Views – Musée de la Boverie
Parc de la Boverie, 4020 Liège
Du mardi au dimanche de 10h à 18h, jusqu’au 13 août 2023.

Tarifs
Adultes: 12€
Seniors/groupes: 9€
Jeunes (14 > 26 ans): 5€
Enfants (- 14 ans): gratuit
Article 27: 1,25€
museumPASSmusées: gratuit

Edith Dekyndt, L’origine des choses à la Bourse de commerce à Paris

Pourquoi y aller?

Découvrir cette exposition, c’est faire l’expérience de l’intervention pleine de force et de grâce de l’architecte japonais Tadao Ando. François Pinault y présente une part de ses collections, de même que des artistes que son équipe et lui jugent important·es. Ce lieu s’est immédiatement imposé comme un immanquable du parcours culturel dans un paysage parisien déjà si riche. Jusqu’en septembre dernier, c’était une proposition intitulée «Avant l’orage» qui constituait la majorité du parcours de l’institution. Pointons déjà la confrontation entre l’éblouissant ensemble de l’Américain Cy Twombly et les délicates interventions de l’Espagnol vivant au Brésil Daniel Steegmann Mangrané qui, à elle seule, justifierait le voyage. Ajoutons à cela la présentation d’œuvres de Robert Gober, trop rarement montré en Europe.

©CV.

Mais c’est aussi l’occasion de découvrir, en très bonne compagnie, les œuvres d’une artiste belge francophone, ce qui est suffisamment rare pour le souligner.

Qu’est-ce qu’on y voit?

L’artiste belge Edith Dekyndt serait – d’après Bertrand Lavier et Anri Sala – la troisième artiste (et la première femme) à investir les douze vitrines monumentales qui ponctuent la circonférence du lieu. Le défi est de taille, surtout que le dispositif coupe le rapport direct avec l’œuvre. C’est dommage car l’une des spécificités du travail de l’artiste tient à sa relation à l’imperceptible, aux matières, et à leurs limites. Ainsi, dans chaque vitrine, elle pose un ou plusieurs objets qui sont porteurs de l’histoire des matériaux qui les constituent. Comme elle l’explique dans cet interview proposée par la bourse de commerce:

Edith Dekyndt


Les matières souples qui dominent sont le plus souvent élimées, enterrées, recouvertes, comme une expérience du temps et des processus qui viendraient les transformer.

Il est intéressant de pointer cette exposition également pour souligner la place de cet artiste belge francophone dans l’échiquier du monde de l’art internationale. Elle qui a déjà bénéficié d’une exposition monographique d’ampleur au Wiels en 2016, voit son oeuvre exposée par les plus grandes institutions au monde: MoMA, Centre Georges Pompidou ou de très nombreux FRAC par exemple.

©CV.

Soyez attentif·ves:

L’une des vitrines les plus réussies me semble être la reprise d’un geste que l’artiste avait posé il y a quelques années lors d’une résidence au Canada. Chaque samedi, elle est réactivée par la présence d’une personne retranchée dans l’espace d’une des vitrines. Elle gomme patiemment les parois vitrées. Nombres d’éléments essentiels de la pratique de Dekyndt sont rassemblés dans ce dispositif: la répétition, l’objet quotidien, la trace, l’inframince. La vitrine garde toute sa pertinence en dehors de son jour spécifique d’activation. La matérialité si étrange des traces de gommes sur les vitres, les pelures provenant du gommage, sont autant de témoins discrets de la présence d’une humanité au travail.

©CV.

Informations pratiques:

Edith Dekyndt, L’origine des choses
Bourse de commerce, 2 rue de Viarmes, 75001 Paris
Du lundi au dimanche de 11h à 19h jusqu’au 31 décembre 2023

Fermeture le mardi et le 1er mai.
Nocturne le vendredi jusqu’à 21h.
Le premier samedi du mois, nocturne gratuite de 17h à 21h.
Tarifs:
Plein tarif : 14€
Tarif 18-26 et autres réductions : 10€
Réservations conseillées


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