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Chaque semaine, un petit billet subjectif d'une émotion de spectateur en salle de cinéma. Sans la moindre prétention objective, en se dégageant (ou pas) des sorties, je vous partage une histoire qu'on m'a racontée dans le noir!
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©2024/Norte Distribution/Tous droits réservés.

Knit’s Island

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épisode 1/8

Quelque part sur Internet existe un espace de 250 km² dans lequel des individus se regroupent en communauté pour simuler une fiction survivaliste. Sous les traits d’avatars, une équipe de tournage pénètre ce lieu et entre en contact avec des joueurs et joueuses. Qui sont ces habitant·es? Sont-ils réellement en train de jouer?

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Rares sont les films qui sont une expérience vraiment unique. Knit’s Island représente, selon moi, une première incursion fascinante dans un territoire encore vierge.

Ce sont trois réalisateurs français, Ekiem Barbier, Guilhem Causse et Quentin L’helgoualc’h qui se sont lancés le pari fou de plonger eux-mêmes dans le jeu vidéo DayZ, sorti en 2013, et de conduire leur film documentaire depuis le jeu, uniquement à base d’images capturées par leurs avatars.

Une poésie subtile surgit de ces images de jeu vidéo, projetées sur l’écran de cinéma qui leur est d’ordinaire interdit. Le film, qui commence comme une enquête des réalisateurs, eux-mêmes avatars dans le jeu, auprès des joueurs qui arpentent encore les serveurs de DayZ, s’avère rapidement bien plus complexe que ça. En effet, les motivations de ces avatars, sortes de coquilles vides habitées par des humains qu’on ne verra jamais, résonnent étrangement avec notre monde réel, comme s’il les révélait en quelque sorte.

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Le choix des réalisateurs de mener le film dans un «vieux jeu» en décor survivaliste a un impact fort sur l’impression de marginalité, de dérives de ces joueurs «survivants» qui errent dans un monde abandonné.
Dans le montage même du film, il y a un mélange entre des plans cinématographiques recréés dans le jeu et d’autres plans qui assument complètement le faux rythme, les saccades, les bugs mêmes de ce monde. On reste en permanence sur cette ambiguïté qu’on ne peut pas maîtriser.

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A travers tous ces moments de pause, d’errance, presque de contemplation, le film va lui-même glisser vers l’abstraction. Les per-sonnages se demandent pourquoi ils jouent encore, on découvre les limites du monde, on se questionne.

Qu’est ce qui est mis en scène? Qu’est ce qui est vraiment la captation de quelque chose de tangible? C’est ce doute sans réponse qui va amener de la réalité dans le jeu vidéo. J’en tiens pour preuve la sensation terrifiante des coups de feu et des morts du film qui ont eu un effet bouleversant sur moi alors que l’imagerie habituelle des jeux vidéos aurait pu stériliser l’impact de la violence. Qui aurait pensé que je puisse encore être hanté par la mort d’un avatar?

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Knit’s Island, l’île sans fin

France, 2024
Réalisateurs: Ekiem Barbier, Guilhem Causse, Quentin L’Helgouac’h
Distributeur: Norte Distribution
Genre: Documentaire
Durée: 1h38
Date de sortie (FR): 17 avril 2024
À voir au ciné Flagey les 18, 27 juillet et 03 Août 2024.


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