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Deepstarias Bienvenues de Mercedes Dassy ©Marc Domage

Mercedes Dassy

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Elle nous annonce dans un rire que «la danse, c’est la base!», parce qu’elle bouge depuis qu’elle est enfant, qu’elle a continué à l’adolescence puis a pu en faire son métier – par soutien familial, notamment- après ses études en Autriche. Elle aime la danse liée à la musique, passionnément. Et ça se voit dans ses créations au plateau, forcément.

Isabelle PlumhansVous avez été interprète avant de créer. Comment expliquer cette rupture?

D’abord, travailler en tant que jeune danseuse, c’est galère. Il n’y a que quelques élues qui y arrivent. La danse, c’est un milieu où il y a beaucoup à déconstruire. Bref, je cherchais à travailler, par tous les moyens. J’ai rejoint la plateforme «20 chorégraphes pour Bruxelles», où j’ai pu créer un premier solo, «Pause», en 2015. Ça faisait sens: moi qui avais toujours été créative, je me retrouvais dans ce statut de créatrice. Ensuite dans mon travail d’interprète, j’observais, notamment Lisbeth Gruwez, lors des interactions avec son dramaturge. Je sentais que je voulais faire ça, à ma façon. Mais quand on parle de passage d’interprète à créatrice… je suis restée interprète, au début. Je ne me sentais pas encore capable de diriger des gens: je voulais expérimenter sur moi. Ce n’est que quand la force du collectif est devenue évidente dans la dramaturgie que je suis passée à la création de groupe.

Quelles sont vos inspirations?

La culture pop et celle des clips. Ado, j’ai passé un temps fou avec mes copines à créer des chorés sur Christina Aguilera, Britney Spears, les Black Eyed Peas…

C’est un corps qui réfléchit à comment le travailler vers un discours qui veut niquer le système.

Ma danse est très ancrée au sol. C’est un corps qui réfléchit à comment le travailler vers un discours qui veut niquer le système. La danse peut être enfermante autant que libératrice. Qui peut bouger autant son corps qu’un danseur, une danseuse? Et en même temps, un danseur peut être contraint par son art, sa discipline. La discipline se retrouve dans tous les parcours de danse, autant dans le classique que dans le krump. Nous avons des corps et une pratique d’athlète.

Deepstarias Bienvenues ©Marc Domage

Quel est le discours des créations?

La question du rapport au monde, et du rapport qu’a le monde envers nous. Quand je dis monde, je dis aussi système. Il y a eu i-clit qui évoque le féminisme pop, comme école politique. Puis Be4 Summer, autour du vertige de la conscientisation de la politique du monde. C’est là que j’ai eu besoin du collectif pour traverser le chaos.

La forme souligne donc la dramaturgie?

Parce qu’il y a une dramaturgie de vie! Comme avec «Spongebabe»… C’est une pièce en rupture, elle se détache de ce que j’ai fait avant parce que c’est une plongée dans mon monde intérieur, une pièce plus psychologique que politique. Parce que je parle de mon état dépressif et de comment j’en sors.

Ici, à Lyon, vous présentez «Spongebabe», mais également une ré-écriture de «Deepstaria bienvenue». Pouvez-vous nous en parler?

Tout a commencé avec une commande de la part de Julie Guibert, alors directrice du ballet de Lyon. Elle voulait créer des solos pour chaque membre du corps du ballet, par un·e chorégraphe. Soit 25 solos pour 25 danseurs par 25 chorégraphes. Elle me contacte pendant le premier confinement. Je pense qu’elle aime mon côté subversif, jeune, pop. Elle veut une chorégraphie pour Maeva Lasserre, danseuse fofolle, généreuse, qui aime la pop… Après le confinement, j’arrive à Lyon, je dois créer vite. Or, d’habitude, je crée en process, à partir de quelque chose qui doit absolument sortir de moi. Là, je n’ai rien. Avec Maeva, on décide de partir de ce confinement, de tout ce qu’on doit expulser – à l’époque elle est malade dès qu’elle doit manger à l’extérieur, je suis dans une angoisse sociale permanente. Je pars de nos conversations, je les poétise et on crée en 2020 un solo de 13 minutes. Le solo ne tournera pas, mais cinq ans plus tard, Nicolas Andrieux, nouveau directeur, souhaite reprendre certains solos, dont le mien. Maeva a quitté le ballet entretemps, on doit refaire un casting. Beaucoup de personnes m’inspirent, on décide d’un quintet distribué sur 6 danseurs. On a recréé la pièce très vite, peut-être en dix jours en tout. Pour ça, on a beaucoup discuté, avec les interprètes, autour du rapport humain. Je leur ai appris la partition de Maeva, ils ont improvisé autour, et j’ai écrit la partition de chacun à partir de ça. On a refait les costumes à l’identique, le compositeur a retravaillé sa création en l’adaptant à cette nouvelle distribution, on a refait les lumières. Mais physiquement, la partition de Maeva reste très présente.

Deepstarias Bienvenues ©Marc Domage

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La chorégraphe nous quitte, non sans avoir ébauché l’idée que cette façon de faire avec l’Opéra, dans l’urgence relative, en processus de création court, inaugure une série de collaborations de sa saison à venir, comme celle de sa carte blanche, mi-dansée mi-musicale, aux Brigittines, dans le cadre de Live Brigittines, ou encore sa participation en duo avec Adelaida, musicienne espagnole, lors d’Europalia Espana. Parce que chez Mercedes Dassy, «tout se retrouve, tout se recouvre, tout est lié. C’est un travail de rupture, mais aussi un travail de cohésion. Il faut rompre avec ce qu’on doit, et faire lien avec ce qu’il faut.»

À suivre!

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Mercedes Dassy est artiste associée à Charleroi Danse.

Du 6 au 28 septembre 2025 a eu lieu la Biennale de danse à Lyon et en métropole, jusqu’au 17 octobre 2025 en région.

Pick up club, dans le cadre d’Europalia Espana, La Raffinerie, Bruxelles, les 5 et 6/12 2025, 20h30 et 19h, infos et réservations.

Mercedes Dassy invite GEM&I BE, Laissez-la danser, in Live in Brigittines, (Brigittines, Bruxelles) les 11, 12 et 13/12, 20h30, 19h, infos et réservations.


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