
Du théâtre malgré tout
Au large9 novembre 2022 | Lecture 2 min.
Alors que le contexte sécuritaire a empêché la venue de troupes belges, françaises et allemandes initialement programmées, l’équipe a tenu à maintenir ce festival, malgré les nombreuses difficultés que cette réorganisation suscite.
Dans le discours d’ouverture, Thierry Oueda, le directeur du théâtre et du festival revient sur situation: «On aurait pu rêver un contexte plus favorable pour ces retrouvailles et pour ces échanges que nous avons souhaité avoir avec notre public, celui des enfants. Mais il se trouve que depuis le début de l’année, pas une seule journée, que dis-je, pas une seule heure, peut-être, n’est passée sans que la radio, la télé ou la toile ne nous alerte sur la situation sécuritaire de notre pays. Cette alerte nous vient aussi des habitants, des familles, mais aussi des enfants, pour qui nous faisons du théâtre jeune public.» Face à cette alerte, il affirme: «Notre situation est critique, mais… On ne peut pas s’asseoir et pleurer. On ne peut pas être là et ne rien faire.»
L’occasion pour La Pointe de revenir sur la création du Théâtre Soleil, la première édition du festival en 2021 et les enjeux pour le développement d’un futur public de théâtre au Burkina Faso.

Thierry Oueda est diplômé de l’Ecole Régionale des Acteurs de Cannes de Marseille (France). Il est acteur, metteur en scène et comédien. En 2015, avec un groupe de collaborateurs, il ouvre le Théâtre Soleil, un espace engagé pour le développement du théâtre jeune public au Burkina Faso. L’espace accueille des ateliers hebdomadaires, des spectacles ainsi qu’un festival.
Karolina SvobodovaQuelles étaient tes motivations pour la création du Théâtre Soleil et du festival PAJE?
Thierry OuedaQuand on s’est lancé, le but était de permettre aux enfants d’avoir accès à l’éducation artistique et culturelle, d’offrir une initiation aux instruments de musique, au théâtre, à la danse, au dessin, mais aussi aux spectacles vivants pour enfants. Ça manque vraiment. Ici, quand on crée, souvent on ne dit pas à partir de quel âge est le spectacle. Souvent, on dit que c’est jeune public, mais quand tu viens, tu vois que ce n’est pas adressé aux enfants. En 2021, on a mis en place le festival PAJE, qui nous permet par exemple d’accueillir des spectacles du Burkina mais aussi de la Sous-Région et de l’Europe. C’est ainsi que nous avons pu accueillir deux spectacles de Belgique, Tiébélé du Théâtre de la Guimbarde et la coproduction avec le Théâtre des 4 Mains Pinocchio le Kikirga (theatre4mains.be), que le public a adoré. La mise en place de ce spectacle est venue renforcer tout ce qu’on essaie de mettre en place vis-à-vis du jeune public. On souhaite développer PAJE annuellement pendant cinq ans, et puis tous les deux ans.

Comment s’organise ce festival en 2021?
Le festival dure cinq jours et puis il y a dix jours de tournée. Pendant les cinq jours, on a des spectacles au Théâtre Soleil pendant lesquels on accueille les enfants avec leur famille, on accueille les enfants avec les enseignants et on accueille des écoles. On a également des formations pour développer le jeune public, la création pour la petite enfance, les marionnettes, le clown etc. Nous avons aussi deux semaines de tournées où on sort de Ouagadougou pour aller dans les communes rurales mais aussi les villes comme Ziniaré, Koubri, etc. On joue dans des écoles en décentralisation pour permettre à un maximum d’enfants de voir des spectacles jeune public.


Comment se fait la programmation?
La programmation est liée à nos réseaux. À l’étranger, nous avons par exemple une collaboration avec le Théâtre des 4 Mains ou le Théâtre de la Guimbarde qui sont nos partenaires et qui peuvent être soutenus par WBI (Wallonie Bruxelles International) pour la prise en charge des cachets des artistes, des trajets, de la tournée… Cela nous permet d’accueillir des spectacles qui, plutôt que d’être joués seulement une ou deux fois, se jouent pendant le festival et une dizaine de dates après. Mais c’est vrai que la situation n’est pas favorable pour les tournées. On est restés dans les villes et communes périphériques de Ouagadougou qui sont sûres.

Comment se sont développés les liens avec ces compagnies belges?
J’ai eu l’opportunité, lorsque j’étais en Belgique, de rencontrer ces personnes et par la suite nous avons tissé des partenariats, des liens d’amitié qui sont devenus aussi des liens professionnels. J’ai pu bénéficier de l’accompagnement du WBI et ils sont venus donner des stages et à travers eux, on a abouti à des coproductions. Voilà comment nous avons pu travailler ensemble.
Cette année, le contexte sécuritaire a empêché la venue des compagnies belges et françaises. Il a fallu adapter la programmation du festival et développer d’autres stratégies afin de pouvoir l’organiser malgré tout. Comment vous y êtes-vous pris?
Cette édition est une épreuve, mais une épreuve qui nous fortifie. Elle nous confronte à ce que nous savons et voulons faire: le théâtre. C’est comme pour un potier qui fait de la poterie et qui a du mal à avoir de la terre pour fabriquer ces objets, mais en même temps il a la passion, le fait que pour lui, travailler cette terre-là, mettre la main à la pâte, est une joie. Faire du théâtre aujourd’hui, permettre aux enfants d’avoir de l’art, c’est continuer à chercher cette terre et la malaxer.
Nous devions accueillir une équipe belge, le Théâtre du Papyrus qui n’a pas pu faire le déplacement alors que tout était organisé. On devait accueillir le spectacle Tout est chamboulé de la compagnie En attendant (compagnie-en-attendant.fr), on devait jouer à l’Institut Français, ça a été annulé, on devait accueillir des formateurs français, une formatrice italienne… La situation actuelle nous a amenés à réinventer. On a de jeunes Burkinabè qui sont spécialistes de la marionnette, du conte et qui ont décidé de prendre le relais et de donner des formations.
Pour la tournée, nous avons eu l’avantage d’avoir obtenu le programme AWA (Art in West Africa) de l’Union Européenne qui nous permet de tourner avec le spectacle Garibou l’ange gardien créé avec ce fonds. C’est un spectacle thérapeutique qui traite de la violence entre les parents. Quand on le joue, on a de beaux échanges avec les enfants, ils n’ont pas d’espace pour en parler, ça libère la parole. Il n’y a pas de cellule d’écoute ici pour les enfants.

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