
Books on the move
En ce moment1 mars 2022 | Lecture 2 min.
D’où vous est venue l’envie de créer une librairie spécialisée en danse?
J’ai fait des études de danse contemporaine aux États-Unis, où j’ai également enseigné. À mon retour en Europe, en 2008, je me suis demandée où se trouvaient les livres de danse mis à part à l’université ou dans des librairies très spécialisées. Je me suis amusée à entrer dans les librairies et à poser la question. Souvent, il n’y avait pas de rayon danse, ou alors seulement quelques livres de danse classique. Pour la danse contemporaine, il n’y avait pratiquement que des ouvrages consacrés à Pina Bausch.
Le déclencheur a été une performance d’un ami, Peter Pleyer. Il racontait l’histoire de la danse à partir de sa propre expérience, entouré d’une quarantaine de livres sur scène.
À la fin de la représentation, beaucoup de jeunes danseurs demandaient où on pouvait trouver ces livres. Il y a une telle richesse en littérature de danse! Mais elle est invisible.

Comment avez-vous lancé la librairie?
J’habitais à Berlin à cette époque. J’ai commencé seule, en 2008, avec une trentaine
de livres, à vélo. J’ai ensuite rencontré Stéphanie Pichon, journaliste, qui couvrait le
milieu culturel berlinois et nous nous sommes très vite associées.
La caractéristique de votre librairie est qu’elle est nomade. Comment choisissez-vous les lieux où vous vous rendez?
Ce sont toujours les lieux qui nous invitent, comme la Dañsfabrik à Brest. Mais nous avons aussi un lien très fort avec les artistes. Les deux premières années, ce sont des artistes qui nous ont invitées à Brest, d’abord la danseuse Lenio Kaklea, dans le cadre d’un focus sur la Grèce. Pour elle, les livres sont très importants, et elle a demandé qu’on puisse venir. Là, on a rencontré Marcela Santander, danseuse chilienne, qui était invitée l’année suivante, dans le focus sur le Chili, et elle a souhaité nous inviter elle aussi. À partir de la troisième année, c’est le Quartz (scène nationale de Brest) qui nous a invitées directement.
Aujourd’hui, Books on the Move est devenue une librairie associative basée à Bordeaux. Nous ne sommes pas vraiment libraires, ce qui nous intéressait était le croisement entre la pratique et la théorie. Nous voulions aller vers les artistes et le public, leur faire savoir que cette littérature existe, et peut enrichir l’expérience d’un spectacle ou d’un workshop.
Nous organisons également des ateliers de danse, ouverts à tous et à toutes: «Lectures mouvementées», ou des «Siestes lectures», un temps de lecture en silence, pour se poser pendant les festivals, par exemple.

Quel est votre modèle économique?
Sur une soirée nous vendons entre 0 et 6 livres, donc ce n’est pas un modèle économique rentable. Nous faisons appel à des bénévoles et en échange, ils reçoivent une place de spectacle. Depuis quelques années, l’association est également subventionnée.
Quelle évolution observez-vous dans l’édition de la danse?
Au tout début, nous avions beaucoup de livres universitaires. Aujourd’hui, nous avons de plus en plus d’ouvrages d’artistes. C’est une évolution remarquable depuis une dizaine d’années, il y a de plus en plus de livres écrits par des artistes avec ce désir de partager leur propre processus de travail, leur recherche…

Qu’avez-vous apporté ici, aux Brigittines?
J’ai apporté deux valises avec moi, c’est à dire c’est-à-dire entre 80 et 100 livres. Dans un lieu comme le festival des Brigittines; il y a une grande diversité: cela va des livres très pointus aux livres plus généralistes. Hier, j’en ai vendu un à une petite fille de huit ans et aussi à un monsieur qui était probablement à la retraite! Je vends aussi beaucoup aux artistes et aux danseurs.
À Bruxelles, nous travaillons en partenariat avec Contredanse, a.pass (advanced performance and scenography studies) et Alternatives théâtrales, auxquels j’ai demandé de nous faire parvenir quelques ouvrages.
Comment sélectionnez-vous les livres que vous mettez en vente?
Je parcours la programmation, parfois il existe des ouvrages sur un ou plusieurs artistes programmés. Je regarde aussi les thématiques des spectacles, le focus du festival, et à quel public le festival s’adresse.
Qu’est-ce qui vous passionne dans cette activité?
Nous sommes-là pour défendre et faire connaitre le livre de danse. C’est aussi un geste politique.

Avez-vous un contact privilégié avec les spectateur·ices, grâce aux livres?
On est un lieu d’accueil et les gens viennent se poser, s’asseoir, se confier. C’est très riche! Parfois, nous avons l’impression d’être un peu les psys des spectateurs et spectatrices. Nous allons voir le plus possible de spectacles pour pouvoir en parler. Parfois, certains ou certaines sortent complètement bouleversé·es, et ils viennent se confier et nous, nous sommes là pour les écouter. Quand on reste plusieurs jours, on a des retours de tout le monde, cela peut aller de la personne qui fait le ménage, à celle qui est au bar, jusqu’aux techniciens·nes, programmateurs·trices, artistes… Le fait qu’on soit là, c’est un plus pour le festival aussi. On est un lieu d’échange, parfois on ne fait que discuter avec les gens, on ne vend rien. Le livre de danse devient prétexte à discussion. Les gens me parlent souvent de leur bibliothèque aussi. Et puis, il y a celles et ceux qui ne peuvent pas s’empêcher d’acheter des livres.
Qui sont les lecteurs et lectrices de danse?
Les étudiant·es et les jeunes danseur·euses lisent beaucoup. Le public général aussi, il peut rester et lire. Les lecteurs et lectrices sont là et il y a aussi de plus en plus de personnes qui écrivent ; il y a maintenant des départements en danse dans de nombreuses universités, cela amène beaucoup d’artistes à étudier et à écrire.

Quelles sont les maisons d’éditions spécialisées en danse?
Il n’y en a pas beaucoup. Contredanse en Belgique, qui existe depuis longtemps. En France, le CND qui a sa propre maison d’édition, Les Presses du réel en France, mais ils ne font pas que de la danse; L’œil d’or a quelques ouvrages consacrés à la danse. L’Entretemps, qui est devenu Deuxième époque, même s’ils font surtout du théâtre.
Pour les revues, il y a la revue Repères, éditée par la Briqueterie (CDCN Val de Marne), elle est thématique et sort deux fois par an. On a encore des exemplaires de la revue Contact Quarterly (qui est maintenant en ligne) ; la revue Watt, qui sort une fois
par an.
Qui sont les critiques en danse?
Le mot critique est déjà ambigu. Les bons critiques vont défendre aussi le regard qu’on va porter sur la danse.
La parole des artistes est souvent très intéressante, et elles posent des mots sur leur travail. Ça a vraiment évolué. Quand j’avais vingt ans (j’en ai 50 aujourd’hui), on pensait encore que les danseurs et danseuses ne s’exprimaient pas.
Aux États-Unis, les départements de danse existent depuis les années 1930. Donc il y a une pensée autour la danse qui existe depuis longtemps.
Les recommandations d’Agnès:
Les ouvrages autour du projet Time has fallen asleep in the afternoon sunshine de Mette Ingvartsen : ses livres sont partis le premier soir.
Ex-Corpo (les éditions du CND), de Volmir Cordeiro, danseur brésilien qui vit en France et qui vient de finir un doctorat à l’Université Paris 8. Il décrit ses propres pièces et le travail de 3 chorégraphes brésiliens: Luiz de Abreu, Micheline Torres et Marcelo Evelin.
J’ai mis son livre à côté de celui de Lia Rodrigues, qui a eu un focus au dernier festival d’Automne à Paris. Sa compagnie est installée dans une favela à Rio de Janeiro. C’est une danseuse très militante.
En ce moment, il y a aussi un engouement pour l’écologie. Deux philosophes de Montréal, Erin Manning et Brian Massumi, rencontré·e·s à une conférence à Leipzig: Pensée en actes, vingt propositions pour la recherche-
création (Éditions Les Presses du réel). Nous proposons également des livres qui n’ont pas forcément de rapport direct avec la danse mais qui nous ont été conseillés par des artistes et, qui ont un lien avec leur
processus de travail.
Enfin, il y a un ouvrage de la critique de danse Jill Johnston, que j’aime beaucoup. Elle est notamment connue pour avoir énergiquement soutenu l’émergence du Judson Dance Theater et, plus largement, de la postmodern dance américaine dans les pages du journal The Village Voice, pour lequel elle a écrit pendant de longues années. Sans elle, le Judson Dance Theater, serait peut-être resté invisible!
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