RECHERCHER SUR LA POINTE :

Les nouvelles plumes de la poésie belge, à travers le regard sensible de Raïssa Ay Mbilo.
épisode 1/1
1/1
Claire Olirencia Deville ©Nanténé Traoré

Poèmes et Tango

Émois

épisode 1/1

L’esprit de Claire fuse à une vitesse éclair entre mille sujets et mille idées.
On peut autant la retrouver à grelotter en siphonnant de la bière gelée dans les gradins de l’Union Saint-Gilloise ou parée pour un milonga – un bal de tango. Poétesse, elle signe également un roman et une pièce de théâtre. Installées dans un café forestois, son QG, on discute de plusieurs sujets, dont son dernier ouvrage: La nuit Berlin chez double ponctuation.

Je commence par lui demander l’importance d’Olirencia, le nom glissé entre Claire et Deville. Elle me parle de matrilinéarité, de trace d’une histoire à deux doigts de lui échapper. Son lien à l’espagnol, son lien à l’Argentine. Ses identités plurielles comptent la Méditerranée et une ascendance tzigane. L’artiste évoque son parcours entre la danse contemporaine et l’opéra, jusqu’à l’écriture et le tango. La nuit Berlin est un voyage spatio-temporel en deux parties et sept chapitres, qui parle autant d’amitié et d’amour, de fête, que de précarité et de gentrification.

Je m’appelle Nina Hellmann, au début des années 2000, je vivais à Berlin où j’étais apprenti danseuse (…) Une quinzaine d’années après la chute du Mur, la ville attirait que de jeunes artistes désargentés comme moi et le foisonnement culturel n’avait d’égal que la précarité de notre mode de vie.

Il y a vingt ans d’écart entre les deux parties. Ce qui est intéressant dans ce roman, c’est l’absence de nostalgie; c’est que Claire ne cède pas à la romanisation de la précarité non plus mais dénonce la manière dont les villes ont été lissées et embourgeoisées. Elle démonte l’image d’une Berlin qui serait éternellement underground alors même que la ville a changé, à l’instar d’autres capitales européennes. Il n’y a plus de place pour des artistes pauvres, squattant pour trois fois rien des appartements froids, carburant aux psychotropes.

«J’avais vraiment envie de faire une deuxième partie, quelque chose qui dénonce un peu, qui soit en désaccord avec le fantasme de la nostalgie. Je ne regrette pas du tout mes vingt ans, on n’avait pas confiance [en nous], on n’allait pas très bien, en tout cas en ce qui me concerne.
Pourtant, le fantasme de la jeunesse, le jeunisme, nous fait croire que vieillir c’est indéniablement devenir moche et indésirable, hors-circuit. Mais moi, c’est maintenant que j’ai encore plus envie de changer les choses.»

La nuit Berlin est légèrement différente d’autres œuvres de l’autrice puisque le texte est ponctué (à l’exception du titre). Généralement, l’absence de virgules et de points finaux fait la patte de l’artiste: c’est comme si elle écrivait ses textes sans respirer, que les mots sortaient au rythme d’une cervelle en vrille, qui court. Sa langue est à la fois poétique, drôle et sans détours.

«J’écris souvent sur la colère mais j’avais envie de raconter autre chose: qu’on peut être fâché mais continuer à rire des choses. Je voulais amener une légèreté et une certaine volonté d’avancer.»

Dans ce dernier ouvrage, la dj-poétesse dessine des personnages un peu perdus, «un peu nazes», mais très humains. Séduite par l’univers des contes, elle imagine ses anti-héro·ïnes comme «des fées cassées». Ce sont aussi des êtres qui se tissent des solidarités et des communautés où les amours sont poreux, qu’ils soient amoureux ou amicaux. Une bande de mousquetaires qui ne regrette pas le temps qui passe mais le constate, et saisit l’opportunité du présent pour conjurer la solitude.


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