
fièr·es en famille
Émois6 juin 2025 | Lecture 6 min.
épisode 5/5
Le film commence et déjà c les rues de bruxelles et moi ça me fait toujours un truc c un peu boomer je sais mais quand même j’ai l’impression qu’on est des stars juste parce que le tram je suis déjà montée dedans et que là-bas j’ai déjà été au théâtre et genre peut-être même que si ça se trouve on verra mon visage à un moment et que je le savais pas. En vrai on verra jamais mon visage mais ça aurait pu et ça suffit. Je me demande quand même quel rapport j’ai à ma ville et à mon pays pour que ça me chamboule de le voir sur grand écran. Un rapport pas de capitale mais on est une capitale, alors juste je réalise à quel point on investit pas trop la culture chez nous et ça m’agace et ça me rend triste mais en même temps c’est pas le sujet et puis c’est pas nouveau.
Bon et puis ce sont des artistes que je connais, enfin je veux dire je les ai vu performer plusieurs fois, alors je les connais pas personnellement, pas intimement, mais iels m’ont déjà toustes émue à plusieurs reprises et c’était beau de les voir là au ciné comme les célèb’ qu’iels sont. Tout ça, ça fait quelque chose, en fait. J’ai l’impression qu’on me raconte une histoire de laquelle j’ai déjà été spectatrice certains jours précieux et que maintenant on me fait voir les coulisses et les coulisses sont grandioses.
Le film s’appelle famille choisie et commence par une citation du bouquin que je viens de finir, si ça c’est pas une belle coïncidence (ça veut aussi dire que je lis la même chose que tout le monde dans la commu sûrement, un désir démesuré d’amitié[1][1] «Un désir démesuré d’amitié», Hélène Giannecchini, Editions du Seuil, La Librairie du XXIe siècle, 2024, tmtc. Ça parle d’amitié, des liens qu’on crée et qui nous rendent + fortes, qui nous donnent la place de sortir de la norme et d’habiter des lieux d’une manière plus spectaculaire, dans le bon sens du terme spectaculaire, dans le sens des spectacles qui donnent à voir ce qui est possible ce qu’on peut désirer. C’est l’histoire d’une famille drag et franchement iels sont si plein d’amour que pendant tout le film j’avais mon cœur qui me coulait par les narines.
Tu les vois débuter tu les vois se créer des filiations tu les vois tout gérer du décor au make up tu les vois inventer des scènes: des rideaux et hop, tu les vois se composer des robes et des costumes avec du culot cousu dedans, tu les vois souffrir et se tenir par la main certains jours tu les vois faire pousser de la tendresse sur leurs pommettes tu les vois pardonner et comprendre tu les vois ironiser tu les vois résister tu les vois éduquer tu les vois improviser tu les vois donner tu les vois organiser une teuf pour payer la torso de leur pote de leur daddy tu les vois pédaler avec leur santé mentale tu les vois transitionner tu les vois devenir famous tu les sais se faire insulter tu les sais se faire embrasser tu les vois politiser leurs perfs leurs corps leurs discussions tu les vois être ensemble et pleurer un peu en évoquant leurs liens en évoquant ce qu’iels sont les unᐧes pour les autres, tu les vois dans le canapé prendre un selfie se marrer et être amiᐧes avant tout, avant la caméra en fait. Ah et aussi tu rigoles avec eux, à plein de moments, des fois c’est tragique de rigoler mais tu rigoles et ça aussi ça parle de drag.
Et puis ces personnes ont choisi leur famille et ont aussi une famille au sens conventionnel du terme, des parents des grands-parents qu’iels ont pas choisi et qui les ont pas choisi. Et ben tu vois c’est fou parce que bien sûr ces personnes plus âgées à priori hétéro à priori cis, bien sûr pour la plupart les mégenrent à tout bout de champ, utilisent leurs dead names à table ou ne savent pas parler des personnes trans respectueusement c’est sûr mais purée aussi elles avaient dans tout leur corps tant tant tant d’amour compacté tout serré là tout maladroit mais fort et présent et en fait c’était beau de voir ça aussi, c’était juste de montrer leurs erreurs et la souffrance qu’elles causent et leur refus parfois de comprendre, leur refus d’agir de faire en sorte de, leur réticence à changer un nom un pronom, mais c’était aussi juste de les voir dans la salle de théâtre comme ça, à regarder leur enfant ou leur petit-enfant sur scène qui parle de coquelicots ou qui montre ses fesses et les voir fiers, les voir fiers c’est quelque chose, les voir fiers.
Moi c’est ça qui me bute c’est quand la fierté elle est pas juste là entre nous, quand on se la renvoie pas juste à travers la commu mais qu’elle vient se loger là aussi dans ces générations qui parlent pas comme nous, leur fierté à eux pour elleux, pour des queeros trans artistes drag qui ont commencé dans des squat en string sur du béton.
être fier·es. Pour nos parents nos grands-parents aussi, pour leur montrer, parce qu’iels sont capables de voir.
Et puis pour toustes nos adelphes nos amiᐧes nos partenaires, qu’on soit fierᐧes ensemble, qu’on se donne ça aussi.
Je sais pas on voit les débuts, la scène underground qui se crée parce que quelqu’un a eu l’idée de faire famille. Faire famille faire filiation faire soutien faire loi faire place faire récits faire réel faire tout pour, ensemble. Surtout faire de l’art, parce que le drag c’est incroyable qu’on se le dise. Moi j’ai peur des clowns, bon, j’y pense parce que je suis allée à une expo l’autre jour et Drag Couenne était habillée un peu en mode clown sur les photos enfin je sais pas moi j’avais pas fait le lien mais quand j’ai dit que j’aimais cette photo, ma pote m’a dit mais t’as pas peur des clowns toi et moi j’avais pas fait le lien BREF.
J’ai peur des clowns et en fait dans le clown t’as quand même l’idée de se peindre un nouveau visage, après évidemment c’est pas du tout la même démarche, je vais arrêter cette comparaison en tout cas j’ai pas peur des drags. Pourtant certains shows peuvent foutre les boules, y’a des choses de l’ordre du monstrueux parfois du terrible, du profondément plein de bide mais jamais ça m’a effrayée parce que je crois que je reconnais toujours quelque chose de l’ordre d’une expérience de la marge, et donc d’une expérience d’une force qui ne peut pas être dans la violence, tu vois, d’une force qui peut que être dans l’amour et c’est très citation de calendrier mais je sais pas dire mieux, des fois y’a pas d’autres mots, l’amour c l’amour. Le drag ça vient tout casser mais sans jamais blesser personne et moi je trouve que c’est magnifique. Y’a toutes les émotions de la terre dans des traits de crayon sur un visage puissant et dans une démarche qui veut dire je suis vivantᐧe.
Moi j’ai vraiment tellement chialé c’était un plaisir. Je suis rentrée en marchant à côté de mon vélo pour laisser l’air me dégonfler le cœur tout doucement et arriver chez moi avec quelque chose qui ressemble à de la joie et une famille.

___
Infos pratiques:
Le film a été réalisé par Elisa VDK. Elle a déjà fait un docu sur les mouvements militants féministes bruxellois et c aussi super cool, ça s’appelle Les nouvelles Guérillères. Des fois je la croise et je suis un peu intimidée.
On y suit des artistes qu’il faut continuer de suivre svp:
Dame Lylybeth, Lylybeth
Mama Titbua, Joy
Blanket la Goulue, Massie
Drag Couenne, Addi
On y voit pas mal King Baxter aussi qui est pour certainᐧes leur daddy drag et j’avais envie de le mentionner.
C’est tourné à Bxl, c’est sorti il y a pas longtemps. C’est vraiment beau.
Le film est disponible sur AUVIO.
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