RECHERCHER SUR LA POINTE :

Une jeunesse italienne. ©DR.

Une jeunesse italienne

Émois

Encore un film sur la migration! s’écrieront les esprits chagrins, ceux pour qui il faudrait réinventer l’actualité et changer le monde en une nuit pour qu’on puisse enfin parler de rosé et de la copulation des libellules, l’esprit plus tranquille. Mais Mathieu Volpe a trouvé mieux comme répartie, il aborde le sujet en adoptant un angle plus singulier: celui des péripéties de l’amour à distance.

Je ne m’attendais pas à ça, bon après j’aime bien me laisser la surprise quand j’entre dans une salle de ciné mais j’étais partie sur tout à fait autre chose même en ayant lu rapido le synopsis pour savoir si j’étais dans la mood. On se dit que c’est plié, un documentaire sur la migration mais en fait non, son angle change tout. Son angle, c’est l’intimité d’une relation à distance, d’un mariage qui tente de tenir le coup à travers les mers puis les petits coups bas de la vie comme la perte d’un emploi. D’un coup, les visages qu’on nous dépeints plus ou moins au gré des reportages, ont une toute autre dimension: le volume et l’épaisseur des sentiments, du trouble, d’une dualité compliquée qui s’ajoute à la réalité politique. Si elle lui donne un autre visage, elle ne peut pas lui échapper ni exister en dehors de ça.

Mathieu Volpe s’invite dans une correspondance amoureuse avec bienveillance et respect.

Petit à petit, nous aussi on subit le silence, et on se sent pris au piège entre l’Italie et le Burkina Faso, entre un passé sans promesses et un avenir incertain. Mais peut-être pas autant que les personnages, déchirés dans un carrefour de choix qui n’en sont pas vraiment. Tout commence et on sait où, tout s’effiloche et on ne sait plus où on va. Le fil conducteur reste cette caméra qui suit sans voyeurisme le récit de ce couple, rythmé au gré des retrouvailles qui s’espacent, des velléités, des espoirs et de la longue attente – quasiment la seule invariable.

C’est le point de vue que j’ai trouvé le plus intéressant parce qu’il rend ce documentaire singulier comme les personnes qu’on rencontre à l’écran. L’actualité a tendance à anonymiser, et homogénéiser les récits et donc à les confisquer. Alors même qu’en effaçant les histoires, on efface aussi les gens. De manière générale, je trouve ça essentiel de traduire le Politique – notion froide et lointaine – dans des réalités plus palpables, intimes et individuelles. Parce que ça nous lie aussi et on ne peut pas oublier à quel point ça nous concerne.

Une jeunesse italienne ©DR.

Mathieu Volpe s’invite dans une correspondance amoureuse avec bienveillance et respect, laissant tout l’espace à l’histoire qui se déroule sous nos yeux, en pointillés, sur plusieurs années. Laissant aussi l’espace aux intervenant·es tout au long du tournage, loin d’une idée de rentabilité en termes de temps ou d’émotions.

Une jeunesse italienne va au rythme des évènements. On y filme la réalité des déplacés qui existent malgré tout, dans ces latences et ces soubresauts où la lenteur administrative n’a d’égal que le racisme structurel. La réalité de deux continents qui se confrontent, la mise à nue de l’Europe-Eldorado où il n’y a plus de travail et où on dit encore «Tu» à l’ouvrier noir, comme si l’africanité induisait une intimité bienvenue.

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Une jeunesse italienne (2022), projeté à la 6ᵉ édition du Brussels International Film Festival (BRIFF).

Bande-annonce:

Une jeunesse italienne

Avec Nasire Denne, Rassiratou Guienne, Abdoul Soukourou Denne…

Origine: Belgique, France, Italie

Réalisation: Mathieu Volpe

Image: Pierre-Edouard Jasmin

Montage: Maël Delorme

Son: Mathieu Volpe

Production/distribution: Replica Films ASBL  (Belgique)

Durée: 81 Min


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