8/8

Miséricorde

8 novembre 2024 | Lecture 3 min.

épisode 8/8

Jérémie revient à Saint-Martial pour l’enterrement de son ancien patron boulanger. Il s’installe quelques jours chez Martine, sa veuve. Mais entre une disparition mystérieuse, un voisin menaçant et un abbé aux intentions étranges, son court séjour au village prend une tournure inattendue…

À l’occasion de la présentation du film a Bruxelles, dans la grâce lumineuse de Catherine Frot, les éclats de rire ont bien fusé. Il faut dire qu’on aime ces personnages tordus, désacralisant le bon esprit français.

Je ne suis pas familier du cinéma de Guiraudie et ne peux donc mettre Miséricorde en contexte avec le reste de sa filmographie. Le film, à travers un ton en distance, est d’une grande maîtrise. Par des figures bien caricaturales (le prêtre, le bon copain, la mère de famille éplorée, le marginal de retour…), il nous livre une vision stérilisée de la société française rurale, comme incapable de ressentir quoi que ce soit.

À travers son homosexualité qu’on sent encore tabou au village (on le questionne à ce sujet à voix basse, dans des moments d’intimité discrète), Jérémie incarne ce marginal, habitué à la violence du rejet, s’infiltrant dans un mensonge qu’il sait pouvoir maîtriser. Quand le crime advient, les proches d’abord, la police ensuite, resteront étrangement inefficaces. C’est que percer le secret voudrait dire avouer que tout est perdu, que le lien est brisé et que la petite musique de la vie ne joue plus depuis longtemps.

Le monde rural français que dépeint Guiraudie, c’est un peu celui des films de Chabrol ou de Sautet qui auraient pris un coup dans le pittoresque. Cette distance, dans sa caricature qui vire à la satire méchante, est vraiment réjouissante. On s’amuse beaucoup du pathétique de ces personnages qui tiennent à leurs rituels désuets d’apéro, de repas, de balade aux champignons…

Par contre, cet humour exempt de naïveté m’a épuisé. Est-ce un effet de redondance dans son dernier mouvement? Dur à dire. Quoi qu’il en soit, la démarche de Guiraudie me semble être une réaction assez brillante à une tradition du cinéma français. Un décalage iconoclaste qui cache une grande désillusion. Si grande que, pour moi, cet évidement peut laisser la sensation d’une blague un peu longue à se terminer, presque sinistre dans son dernier mouvement. Comme si, à très condamner la lumière, le film aurait pris peur qu’on ne le voie vraiment.

Un dernier mot, capital: peu importe le film et peu importe le ton, Catherine Frot réussit pour moi à sublimer tout ce qu’elle touche. Le talent de cette femme n’a de cesse de me fasciner. C’est dans les variations si subtiles de sa voix qui l’ont abonnée aux seconds rôles que, décidément, elle reste l’une des plus grandes.

Réalisateur: Alain Guiraudie
Avec Felix Kysyl, Catherine Frot et David Ayala
Distributeur: Les films du Losange
Genre: Comédie / Policier
Durée: 1h42 min
Date de sortie (France): 16 Octobre 2024