Fenêtre sur cour
Émois1 février 2025 | Lecture 3 min.
épisode 16/16
À cause d’une jambe cassée, le reporter-photographe L. B. Jeffries est contraint de rester chez lui dans un fauteuil roulant. Homme d’action et amateur d’aventure, il s’aperçoit qu’il peut tirer parti de son immobilité forcée en étudiant le comportement des habitants de l’immeuble qu’il occupe dans Greenwich Village.
Formidable opportunité que de (re)voir les films d’Hitchcock jusqu’à la fin février à l’occasion de la rétrospective chronologique que lui accorde la CINEMATEK. Les petits jeux pervers du vieux farceur anglais dynamitent joyeusement le classicisme et la bien pensance sur grand écran.
Je vous écris ces lignes alors que le train fait escale en 1954, pour Fenêtre sur cour. En ces années légendaires du Cinéma, le code d’autocensure des films américains s’assouplit un petit peu, une Nouvelle-Vague déferle sur la France et James Stewart, un journaliste paralysé sur une chaise roulante, regarde à travers la fenêtre dans l’espoir d’une aventure.
Le film semble nous mettre au défi de détourner notre regard de ce qui se passe chez nos voisins. C’est si tentant, pourtant, de deviner les histoires cachées derrière les apparences de leur quotidien. Pour avoir joué ce petit jeu, quitte à rejeter l’attention de Grace Kelly (à qui on a envie d’hurler qu’elle a sans doute mieux à faire), ce bon vieux James Stewart verra sa curiosité torturée dans une délicieuse danse de mise en scène. On pourrait prendre cette condamnation pour un avertissement, si l’aventure n’était pas si ludique.
Après l’horreur de la guerre, les années 1950 sont teintées d’une odeur de sapin et de perte de sens. Hitchcock nous montre que ce ne sont plus nos actions qui façonnent le monde. Cette réalisation vient avec un challenge, celui de survivre à ce nouveau monde absurde dont on ne mesure les risques que trop tard.
À la fin du film, alors que le couple reprend ses petites habitudes quotidiennes, il semblerait que tout soit revenu à la normale. Pourtant, tout a changé. Quinze ans avant le nouvel Hollywood, le terrain était déjà prêt.
Jusqu’à la fin février à la CINEMATEK se déploie donc le dernier tiers de la filmographie de ce bon Alfred, recouverte par l’ombre de plus en plus grande de ce trouble, ce dérèglement de la modernité qui amuse et excite le cinéaste.
Chez lui, la violence est un moyen de créer du trouble, jamais une fin en soi. Comme à la fin de Dial M for Murder où victime survivante, assassin manqué et inspecteur de police conviennent qu’après toutes ces émotions, ils ont bien besoin d’un verre!
Fenêtre sur cour
USA 1955
Réalisateur: Alfred Hitchcock
Scénariste: John Michael Hayes
Avec James Stewart; Grace Kelly
Distributeur: Carlotta Films
Durée: 1h52 min
Rétrospective à la Cinematek de Bruxelles jusqu’au 26 février 2025.
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