RECHERCHER SUR LA POINTE :

Último helecho, de Nina Laisné avec François Chaignaud et Nadia Larcher ©DR

Charleroi-Lyon

En ce moment

Lyon (et sa Maison de la danse) et Charleroi (avec Charleroi Danse) sont proches, comme nous l’affirme Fabienne Aucant. Nous nous rencontrons alors qu’elle revient tout juste de la Biennale de Lyon, et qu’elle est en plein préparatifs de la sienne, de Biennale. «Sans être similaires, on a pas mal de points communs. D’abord, une Biennale, qui se déroule les mêmes années. Il y a aussi des affinités sur le choix des artistes. Enfin, Lyon a développé un pôle de production européen et nous a demandé de le rejoindre, dans un second cercle.»

Preuve de cette proximité, Ultimo Helecho, Fugaces et F*cking Future, présentés à la Biennale de Lyon, seront en Belgique en saison. Trois moments de jubilation entre danse et musique, acte politique et sublime esthétique. Focus et développement en trois temps, avec la directrice de Charleroi Danse, qui accueillera les spectacles.

Ultimo Helecho, de Nina Laisné, François Chaignaud et Nadia Larcher

«On connait François Chaignaud depuis longtemps, nous confie Fabienne. C’est un OVNI dans la recherche pointue sur l’histoire de la danse. Il a à cœur de rendre hommage à la fois au patrimoine dansé et au clubbing. On l’avait déjà accueilli avec Cecilia Bengolea au festival LEGS[1][1] Le festival LEGS est un des temps forts de la saison de Charleroi Danse.. Ce qui avait du sens, puisque François Chaignaud est tourné vers la mythologie de la danse, en même temps que tout ce qui la rend populaire. Ici c’est sa première collaboration avec Nina Laisné: on a tout de suite suivi le projet.»

Ultimo Helecho est spectacle comme un opéra mouvant, le corps malléable de précisions dansées de François Chaignaud répondant à la voix et au corps fier de la chanteuse argentine Nadia Larcher, le tout porté par une musique emportante et festive jouée en live, échos dynamisés des traditions sonores d’Argentine et du Pérou, et de leurs peuples indigènes. On a adoré l’ouverture portée en majesté par les saqueboutes, corps des musiciens dansant derrière cet immense ancêtre du trombone, François Chaignaud émergeant tel un faune en contrebas de l’orchestre, Nadia, non loin, le rejoignant bientôt par son chant en mouvement. Un ensemble entraînant, dans un décor de carton pâte, promontoire en haut d’escalier posé en milieu de scène, et colonne vacillante qui soutient le tout. Si on aurait aimé davantage de danse, l’histoire des notes et des corps sur le plateau et la technique absolue de l’ensemble suffisent à emporter le public dans un tourbillon d’ailleurs sublimés et réfléchis.

Nina Laisné — François Chaignaud — Nadia Larcher//Último Helecho

À la Raffinerie les 03 et 04.04.26 (Festival LEGS)

Au festival Pays de Danse (Liège), janvier/février 2026

Fugaces, d’Aina Allegre

«On connait Aina depuis moins longtemps que François Chaignaud, mais on l’avait déjà invitée à LEGS* avec son duo Fandango, explique la directrice. Elle y explorait, avec son ami et chorégraphe Yannick Hugron, les danses masculines basques – lui est originaire de là, ndlr. On a noué un lien, et quand elle m’a parlé de ce spectacle qu’elle préparait, hommage indirect à la bailaora Carmen Amaya, on s’est engagé dans la coproduction sans rien avoir vu. Je suis ravie du résultat, relais parfait de musique et de danse. Elle travaille sur le rythme, le martèlement, c’est très fédérateur. Son père était musicien de brass band, on sent cet héritage, ce mouvement qui fait que la danse nous lie les uns aux autres. Fugaces est une évocation du flamenco d’une force politique autant qu’artistique.»

Des bruits de pas, de la musique live, des applaudissements résonnent à jardin. Les danseurs et danseuses entrent les un·es après les autres en scène, costumes noirs asymétriques, bolero échancrés, torses nus et pantalons. Pendant une heure, ils se livreront à un ballet d’une force tellurique, contemporaine et joyeuse, inspiré par le martèlement puissant et politique de la bailaora Carmen Amaya. Les respirations des interprètes rythment le plateau, leurs regards hypnotisent. Un trombone s’invite, percussif et joyeux, la sauvagerie mise en danse est heureuse, la complicité entre les artistes aussi. Le plateau vibre d’une énergie comme une rage de vie, de ces corps à l’unisson, ultra-techniques, qui n’oublient jamais le bonheur du mouvement. Ça déborde en salle, d’ailleurs. On est scotché par ce souffle viscéral de moment plus que vivant, repus lorsque Carmen Amaya se concrétise, noir et blanc cinématographiquement vivant en fond de scène. Tout fait sens. Tout est combat, force et vie.

Aina Alegre — CCN de Grenoble & STUDIO FICTIF // FUGACES

Durée 1h, À la Raffinerie le 25.03.26 (Festival LEGS)

F*cking Future, Marco da Silva Ferreira

«Je revois Marco, tout jeune artiste, il y a 7, 8 ans, qui cherchait des soutiens, se souvient Fabienne. On l’a soutenu dès le départ, et on a notamment présenté son Carcass, au festival LEGS puis aux Écuries. Il est dans la recherche du mouvement corrélé à celle de sens, il puise dans les danses urbaines et l’histoire de la danse, son côté folklorique. Pour F*cking Future il s’inspire des danses martiales, moi j’y vois du disco et de l’urbain. C’est militant aussi. Son choix des interprètes est queer, d’une androgynie commune, il y a une fluidité de genre et de style qui dit quelque chose. Il interroge le côté martial par un ensemble. Mais l’ensemble emmène ailleurs. C’était la première à Lyon: au fur et à mesure du temps, les corps vont se détendre, se fluidifier. Après le spectacle, il m’a confié souhaiter que le spectacle gagne en proximité avec le public. Ce sera possible à Charleroi, où les gradins seront plus proches des danseurs que ce qu’ils ne l’étaient aux Grandes Locos, à Lyon (un immense ancien entrepôt SNCF, ndlr).

Un plateau de danse comme un ring, au milieu de gradins en quadrifrontal. Il est argenté, luisant dans la pénombre. Un a un, des danseurs au genre fluide font leur entrée, hauts échancrés laissant apparaître leur dos musclés, pantalons en simili bleu reluisants, gestes saccadés, épaules spasmiques. Pendant une heure et demi, ils martèleront le sol, et sonderont le public de leurs regards intenses. Leur danse est inspirée de mouvements martials, elle se veut revendication contre l’uniformisation. Elle est surtout une envolée physique, une montée graduelle de la force de l’unique quand il se collectivise. De saccadés, les corps se fluidifient au rythme d’une musique qui s’intensifie. La singularité des corps est criante, alors même qu’elle l’est dans une unité parfaite du groupe. F*cking Future est une expérience quasi immersive de danse collective, une transe au centre qui communautarise le public, l’enveloppe finalement de douceur animée, et l’emporte, définitivement.

Marco Da Silva Ferreira // F*cking Future

Aux Écuries le 07.12.25 

___

Le festival LEGS est un des temps forts de la saison de Charleroi Danse. C’est un festival tourné vers les chorégraphies contemporaines en tant qu’elles interrogent l’histoire de la danse, sa mémoire et ses archives, dans tous ses aspects culturels et géographiques.


Vous aimerez aussi

Sandrine Bergot, artiste, créatrice, cofondatrice en 2007 du Collectif Mensuel, prendra le 1er septembre la direction du Théâtre des Doms, vitrine de la création belge francophone à Avignon. ©Barbara Buchmann-Cotterot

Sandrine Bergot, cap sur les Doms

Grand Angle
Spectacle: DISCOFOOT , Chorégraphie: Petter Jacobsson et Thomas Caley. Avec les 24 danseurs du CCN – Ballet de Lorraine, un arbitre et trois juges artistiques DJ: Ben Unzip, Dans le cadre du Festival Montpellier Danse, Lieu: Place de la Comédie, Montpellier , le 30/06/2024

Discofoot, Roller Derviches et leçons tout public

Au large