RECHERCHER SUR LA POINTE :

Une œuvre ou un·e auteur·ice qui déclenche un enthousiasme entier, jubilatoire, sans nuance. Le genre «je l’achète sans regarder la quatrième de couverture, ou sans écouter le single». Bref, on aime, on est béat, et on le dit fort.
épisode 12/14
12/14
Bukowski by Origa. ©Di Origa foundation - Opera propria, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4816888

Charles Bukowski

Émois

épisode 12/14

«Si vos parents aiment ce que vous faites, c’est mauvais signe. Une œuvre doit être vivante.»

Charles, mon ami, mon maitre.

Buk le grand, l’écorché, le blessé, le dur au coeur si doux. 

Le moche, le beau, le drôle, l’alcoolique, l’incompris.

Le compagnon de nuit, le complice de solitude, le camarade de mélancolie.

Buk qui en fait trop.

Buk qui va trop loin parfois.

Ton adolescence tu l’as vécue comme une blessure. Moqué pour ton acné fulgurante (notamment) ton adolescence a été un calvaire. Les rejets,  les quolibets, les insultes  — que tu n’entendais que trop — t’ont changé à jamais et tu as construit autour de  toi une carapace que tu voulais forte, épaisse, mais qui n’était qu’un leurre. On peut la sentir se fêler régulièrement si on lit entre les lignes. On peut deviner tes pleurs et tes brisures derrière ta carcasse solide et tes airs de dur. C’est vertigineux d’ailleurs, rarement un homme m’aura tant déchiré le cœur.

Tu as vécu si longtemps avec cette haine, celle de ton père notamment, que tu t’es créé ton propre monde, un monde fait de mots qui tapent, où ta machine à écrire était une arme.

Un monde dans lequel tu t’es érigé comme le poète de la liberté, comme celui qui ose tout écrire, au risque de rebuter. Toi  l’injurié, tu injuries à ton tour (et ça fait un bien fou). Mais c’est également un monde dans lequel tu sais voir la beauté dans les choses les plus banales: les courses hippiques, une douche chaude, une bonne bière, une caresse pour le chat, un vent frais et sauvage. 

Ce quotidien que tu trouves si trivial, cette banalité, tu sais en tirer le suc, les sublimer.

Avec si peu de mots (mais toujours si bien choisis), tes poèmes sentent la merde, l’alcool, les femmes, les bastons, les déceptions, les échecs, les joies, les peines de cœur. Ils sentent le vrai, ils sentent la vie. ILS SONT LA VIE. Ils sont tout ce que je recherche en littérature.

Avec des mots crus, simples et incisifs, avec des histoires de comptoir, tu as conté la vie comme personne. C’est populaire et ça rentre dans les oreilles comme les premières chanson de Renaud ou de Léo Ferré. Tu ne triches pas, tu ne te soucies pas de ton image.

Celles et ceux  qui pensent te connaître pour tes frasques éthyliques (l’émission Apostrophe, etc.) et restreignent tes poèmes au combo alcool/femmes n’ont rien compris. Rien. Qu’ils (et elles) aillent lire Souvenirs d’un pas grand-chose, ils verront que tu es notamment ce poète mais que tu es bien plus que ça.Tu es immense.

Je parle de toi au présent car tu vis toujours. Les écrivain·es ne meurent jamais. 

Derrière ta misanthropie se cache un brulant désir d’exister.

Et puis tu n’es pas seulement un poète, tu es une putain de rock star, quelqu’un qui rassemble les foules pour des lectures de poésie. Tu déchires, tu dégoûtes et excites les passions, tu crées le débat. C’est déjà quelque chose.

Alors on peut tenter de te réduire à des polémiques, l’ami, je sais que tu détestes les hommes encore plus que les femmes.

Je sais que ton aversion pour la vie n’est qu’une peur habilement dissimulée.

Je sais que derrière ta misogynie, tu hurles ton envie de vivre.

Que derrière ta misanthropie se cache un brulant désir d’exister.

Je sais que je ne le dirai jamais assez, que les mots — avec lesquels on aime tant jouer toi et moi — ne suffisent pas mais… merci Hank.

Merci pour tout, et tant pis pour tes conneries, tant mieux pour tes excès.

Tu es un ami, et on pardonne toujours les conneries de son ami.

Tes amours déçues sont des entailles dans le cœur et tes mots orduriers sont toujours des splendeurs.

Et ceux que j’ai souvent si peur de prononcer, je peux enfin te les dire: je t’aime.

Charles Bukowski, along with his friends, “John Smith, and Jane Doe”. ©Di Artgal73. I took this photograph in 1988. (then, the subjects are identified in Swissler and Gleason), CC BY 2.5, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4659235

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