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Chaque semaine, un petit billet subjectif d'une émotion de spectateur en salle de cinéma. Sans la moindre prétention objective, en se dégageant (ou pas) des sorties, je vous partage une histoire qu'on m'a racontée dans le noir!
épisode 15/15
15/15
©DR

Grand Tour

Émois

épisode 15/15

Rangoon, Birmanie, 1918. Edward, fonctionnaire de l’Empire britannique, s’enfuit le jour où il devait épouser sa fiancée, Molly. Déterminée à se marier, Molly part à la recherche d’Edward et suit les traces de son Grand Tour à travers l’Asie.

Il faut avoir envie de jouer avec ce film qui résiste à notre envie de le définir et de le comprendre trop unilatéralement.
Gomes joue avec notre imaginaire et nous laisse investir le film avec nos propres idées pour nous offrir une expérience d’exception.

Grand Tour ©Shellac (DR)

Une question me taraude cette semaine: est-il prudent que je vous conseille Grand Tour, le nouveau Miguel Gomes? Il est sans doute utile de vous prévenir de la radicalité de ce cinéaste (en cela exceptionnel), chez qui la curiosité ne vient pas sans conditions.

«Le nouveau voyage de Gomes», nous dit l’affiche, qui s’empresse, sous le titre, de citer le programme des pays traversés par le film. La manœuvre commerciale est compréhensible. Il faudra, en effet, bien du courage et tout le prestige cannois pour rameuter au plus large devant un film aussi riche que complexe.

Si vous êtes trop pressé de dépaysement touristique, vous pourriez manquer le coche.

Car les films de Gomes questionnent la forme même du cinéma, qu’ils viennent dynamiter et brouiller à travers un foisonnement formel qui impose un certain lâcher prise. Si vous êtes trop pressé de dépaysement touristique, vous pourriez manquer le coche.

C’est plutôt une forme de plongée anthropologique dans l’idée du voyage au cinéma, des codes et habitudes qui y sont souvent rattachés et de comment on peut les tordre, les réinventer, les pousser jusqu’à la limite du narratif.

L’inventivité du film et ses personnages fantomatiques m’inspirent de l’admiration, teintée certes d’une tiédeur polie. Si la narration est minimale mais remplit son rôle, je ressens surtout une économie de sentiments et, peut-être plus grave, de sensation.
Là où le film s’amuse avec l’idée même du spectacle, il prend le risque à plusieurs endroits de glorifier son rouage, sa mécanique et de perdre quelque chose de vital.

Avec le recul, je remercie une passionnée de Miguel Gomes de m’avoir aidé récemment à apprivoiser son précédent film Tabu (2012), plus vivant à mon goût. Le genre de film pour lequel il est préférable d’en savoir un petit peu avant de se jeter dans cette forme si changeante.

Grand Tour divisera sans doute celles et ceux qui ont le temps de jouer et celles et ceux qui sont pressé·es d’avoir déjà fini la partie. Autorisez-moi une petite citation du critique Serge Daney: «Le cinéma a inventé un temps. Un temps dans lequel je peux vivre et qui est aussi celui de quelqu’un d’autre.»

Cette réflexion s’applique tout particulièrement ici: Grand Tour est un film qui vous propose de voyager avec lui mais n’essaiera pas de vous convaincre à tout prix.

Réalisateur: Miguel Gomes
Scénariste: Miguel Gomes; Telmo Churro; Maureen Fazendeiro; Mariana Ricardo; Babu Targino
Avec Gonçalo Waddington; Crista Alfaiate
Distributeur: Shellac
Genre: Comédie dramatique
Durée : 2h08 min
Sortie FR: 27 Novembre 2024


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