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Traits D’esprits

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Saul Steinberg (1914-1999) définissait le dessin comme «une manière de réfléchir sur le papier». Son esprit fait preuve de raccourcis intellectuels radicaux, pour trouver un ton cocasse, grinçant, un angle, une perspective sur les choses et les gens qui surprend et ravit à la fois. Regarder un dessin de Steinberg vous fait voir le monde d’une autre manière, provoque un sourire léger et vous donne l’impression d’être diantrement intelligent pour être complice d’une telle tournure, d’un tel regard sur l’humanité. Steinberg fut dessinateur ̶ et le New Yorker son terrain de jeu – mais aussi caricaturiste, illustrateur, graphiste, muraliste, dessinateur de mode et de publicité, scénographe…

©-Sebastien-Roberty-©-Andre-Francois

Jean-Michel Folon était un jeune dessinateur dans les années 1950 (il est né en 34), et Steinberg fut un «maître» pour lui, comme pour toute une génération. Une génération héritière d’une guerre aussi meurtrière qu’absurde, prête à contester les convenances rigides, à pourfendre la bêtise, et qui traquera nos travers plume (ou crayon) à la main.

Le dessin d’humour, catégorie nouvelle, s’établit comme une réelle discipline, trouve dans une presse très diversifiée un terrain d’expression (et un marché), et réunit des talents et des personnalités multiples. Il ne s’agit pas d’une école à proprement parler, mais une communauté d’esprit lie ces jeunes gens pour qui le crayon et la plume sont les outils de réflexion.

Il y aura le prodigieux Topor, cynique, drôle, cruel, dont chaque dessin semble précéder une fin de monde. Il y a Chaval, tout en humour noir et neurasthénie tranquille. Bosc, à la métaphysique pessimiste et à la lumière si noire ̶ il désirait que l’on grave sur sa tombe le dessin d’un convoi funéraire passant devant une affiche de la Vache qui rit. Ronald Searle, dont le trait fouillé exprime une causticité toute britannique. Sempé, bien sûr, qui croque avec tendresse et nostalgie des moments de fragilité humaine. Guy Bara, le père de Max qui n’en finit jamais d’explorer les contrées de notre Absurdie. Et Savignac, et Bob Blechman, et André François et même Milton Glaser!

©-Sebastien-Roberty-©-Bosc

Leur humour est teinté de cruauté, d’angoisse. La camarde rôde souvent, les masques se craquèlent toujours. Les humains sont seuls, et souvent tristes. Le dessin d’humour fait rire le désespoir en nous.

En rassemblant 150 dessins et œuvres graphiques de cette joyeuse clique, la Fondation Folon nous ouvre leur monde, et illustre avec panache l’adage qui dit que les amis de nos amis deviennent nos amis. Allez-y vite, ne vous dites pas qu’il y a le temps jusqu’au mois d’août. Cela vous donnera l’occasion d’y revenir encore, et de retrouver vite vos nouveaux amis!

Drawing Room, à la Fondation Folon, du 8 mars au 31 août 2025.


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