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Expo Hollywood Boulev'art au DK à Saint-Gilles ©Surya Buis

Jolies barres en ligne en croûte de sel

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Le 19 juin 2025, à la rue du Danemark 70B s’est ouverte la troisième exposition d’Hollywood Boulev’art.

L’objectif d’Hollywood Boulev’art est de proposer à des personnes de différents horizons et au parcours de vie souvent tumultueux de les accompagner dans leurs cheminements artistiques. De la rue à l’atelier du sous-sol du DK, des artistes néophytes ou confirmés viennent pratiquer la sculpture, le collage, la photographie ou tout autre médium mis à disposition.

 Âges, origines, situations, les personnalités sont hétérogènes et c’est là tout l’intérêt de rassembler leurs œuvres – produites de novembre 2024 à juin 2025 – au sein d’un même lieu, et de les faire dialoguer. C’est avec comme leitmotiv l’esprit alternatif du street art que le catholicisme peut côtoyer la drogue et la sexualité et que la transgression se teinte d’une revendication sociale toujours avec second degré.

Les idées ignorent le politiquement correct

D’un paysage onirique composé au posca à une vidéo qui joue avec l’absurde du capitalisme en passant par une paire de testicules dorées, les idées ignorent le politiquement correct et témoignent d’une envie de retranscrire des expériences plus ou moins traumatiques par le biais artistique. On y voit les objets, les rêves intimes, les hôpitaux bruxellois et les addictions qui transforment les vie des artistes en des épopées riches en rebondissements.

La dynamique relationnelle, ses paradoxes et son potentiel thérapeutique sont les moteurs de ce programme de six mois.

Larisa Utesheva a grandi en Ouzbékistan. Elle a étudié l’art à Tachkent, illustré des livres, peint des décors de théâtre; à Bruxelles elle obtient le statut de réfugiée politique. Dans le cadre des ateliers, elle a peint plusieurs portraits de femmes d’une griffe raffinée. Le résultat final oscille entre la douceur et l’inquiétante étrangeté. Elle se présente comme «une personne appliquée qui saisit toute occasion d’exposer son travail».

Marie-Thérèse souffre d’un syndrome schizo-affectif. Elle pratique  le dessin,  produit des créatures, des visages fantomatiques au posca et a un très bon œil lorsqu’il s’agit de saisir les mouvements et les couleurs. Le peintre Chagall l’inspire quand elle esquisse sur papier ses pensées singulières.

Courage Bxl, rencontré au rolling douche, un service d’hygiène mobile, dessine depuis son plus jeune âge: Thierry Jaspart, Ange Bruneel ou Mad Arne lui soufflent des idées. Sociable et nomade, il puise ses idées dans les rencontres humaines qu’il fait dans des lieux culturels et sociaux. Fort d’une personnalité aussi empathique qu’atypique, il sillonne les rues de Bruxelles les yeux grands ouverts.

Ces lignes graphiques épousent les contours des troubles mentaux des participants et de leur vision du monde cosmique.

D’autres prennent des positions plus décalées:

Danielho a un talent comique hors pair. Au départ, il était décidé à aller ajouter des couilles en or à une statue de Jean Claude Van Damme. Après mûre réflexion, il a décidé qu’il serait plus sage de les reproduire sur une photographie grand format. Son travail est drôle et majestueux à la fois, il témoigne d’une puissance fantasque canalisée en énergie créative.

Vincent s’est également beaucoup investi dans l’exposition, l’accumulation compulsive d’objet – ou syndrome de Diogène – stimule sa veine artistique. Il a beaucoup d’idées et manipule avec créativité les objets. Au sous-sol en bas des escaliers on peut admirer sa cabane dans laquelle il a reproduit un cocon précaire: couverture de survie, transat, livre s’entassent à l’intérieur de murs en palettes. Ses furieuses obsessions se muent en compositions intéressantes et stratifiées.

Une friction entre récit psychédélique et biographie hors du commun se tisse tout au long du parcours scénographique.

Enfin, Stephane, qui est là depuis le début du projet en 2023 est l’un des artistes phares. Il se montre prolifique et impliqué: «souvent inconscient de ma vie troublée, j’ai tenté quelques fois d’échapper à ce destin» dit-il dans son texte de présentation. Jehanne et lui se sont rencontrés dans la rue à la sortie d’une conférence sur le housing first, une structure d’aide au logement, au Théâtre National. Stephane faisait la manche en jouant du mélodica, un instrument à vent qui s’apparente à l’harmonica et au piano. Elle lui a proposé une cigarette et ils ont entamé une discussion. Il a sorti de son sac une paire de lunettes un peu spéciale, avec une mini caméra, un outil contre la macro mafia qui le persécutait selon ces mots. Ils en vinrent à parler d’art. Stéphane peignait déjà, c’est un créateur né, c’est aussi un orateur bluffant et une personne très curieuse.

La première année, Stéphane venait au DK plusieurs fois par semaine, très agité, c’était compliqué de le faire travailler en groupe. Son état psychotique paralysait ses capacités sociales. Il s’est fait interner au centre hospitalier Brugmann et ne l’a pas très bien vécu, les conditions de la section psychiatrie étant difficiles. Cependant, grâce au traitement, il a pu atteindre une forme de stabilité. Bien qu’il soit toujours en phase de guérison, Stéphane progresse et évince les dynamiques toxiques grâce à son génie. Sa pièce maîtresse est une vidéo projetée au sous-sol aux heures de permanence: il s’agit de saynètes tirées d’un workshop de théâtre d’impro en duo filmé. Il garde en permanence un œil critique sur sa bipolarité et sa condition précaire en jouant avec des motifs, tels que celui de la Croix-Rouge et en affichant en peinture les fulgurances de son esprit souvent hors-normes. C’est avec autodérision et une grande sensibilité qu’il produit ce qui permet de tempérer une réalité sociale brutale.

L’individu et le regard qu’il porte sur son évolution dans la société en tant que neurodivergent dessinent des expériences de vie réelles ou fantasmées. Ainsi, cette exposition met en lumière la vision de l’art comme exutoire aux turbulences de l’esprit. Ces proses uniques dépeignent les affres de l’existence et leur potentiel narratif: autofiction et autodidaxie s’entremêlent.


Le Dk, situé au 70b rue de Danemark à 1060 Saint-Gilles est l’une des propositions des Actrices et Acteurs des Temps Présents.

Le Dk (avec la boutique de lutte et le bar) est OUVERT régulièrement pendant les heures de permanence du Dkafé:

lundi 18:00 – 21:30

mercredi 18:00 – 21:30

jeudi 18:00 – 21:30

Permanence en septembre en dehors des horaires d’ouverture sur rdv pour voir la vidéo: jehanne@artsetpublics.be

Finissage le 18 septembre 2025 à partir de 18h.


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