
Mercure en été
En ce moment13 juin 2023 | Lecture 5 min.
Cette galerie réinvente ce lieu d’exposition commercial en mettant en lumière une nouvelle perspective: la dynamique atelier-galerie. Cette fois-ci, c’est un solo show de Marion Séhier qui est à l’honneur, avec l’exposition «Mercure en été» qui résulte selon l’artiste d’une «pensée absurde: passer un été sur la planète mercure». Mais ne vous y méprenez pas, le travail de Marion Séhier n’a rien d’ironique. Sa recherche part d’une fascination profonde pour le chaos, et tourne autour des notions de cosmos, d’archéologie, mais aussi de gestuelle et de matière, le tout de manière très poétique.
Certains de ses travaux plus anciens viennent soutenir le propos des nouvelles productions. Comme d’habitude chez Marion, les concepts sont complexes et entremêlés, mais se présentent à vous en toute simplicité. Pour chercher cette évidence, l’artiste s’impose un protocole drastique: aller saisir la vérité au plus profond d’elle-même. Le titre de l’exposition, «Mercure en été», vous donne un premier indice sur la direction de lecture à prendre. L’artiste éprouve la matière, toujours avec l’idée d’installer une certaine relativité entre l’humain et le monde.
Repenser l’échelle de valeur
Les sciences lui offrent cette perspective, dans une vision allant du macroscopique au microscopique. Cette exposition explore le parti-pris bien marqué de l’astronomie: une relativité poussée à son paroxysme qui, pour l’artiste, a quelque chose d’apaisant et lui permet de «s’échapper du monde terrestre». Les œuvres de l’exposition diffèrent dans leur apparence, mais sont pourtant toutes des «morceaux d’univers» ponctuant une narration omnisciente.
Le passé appelle le présent
La notion d’artefact, de preuve archéologique, a un sens profond dans l’œuvre de Marion Séhier. Celle-ci excelle, en effet, à expérimenter la matière, qui est à la fois incontournable à la création du monde, et indispensable à l’imaginaire de l’artiste. Ceci donne lieu à un accrochage lunaire dans la galerie D-e-m-e-s-t-e-r où minimalisme et poésie de l’univers cohabitent. La série Collecting fictions (2016) développe bien cette notion d’archéologie. L’idée est poussée jusqu’à la présentation des pièces, disposées sur un long socle blanc dont la ressemblance avec les vitrines muséales est évidente. Il vous suffit d’ailleurs de remonter la rue pour comprendre le lien intrinsèque entre l’Institut royal des sciences naturelles (Museum) et la production de Marion Séhier. Dans la même optique, Oysters don’t listen (2020) voit l’organique se mêler au minéral et nous laisse questionner cette preuve de l’existence sous nos yeux.


Le temps qu’il faut

Le temps joue un rôle central dans la pratique de Marion Séhier. Il façonne la matière à son image, comme dans Clock (2023), ce tissu occultant laissé à l’atelier plusieurs années pour que le soleil fasse son œuvre. C’est une pièce graphique qui en émerge, dont certaines parties ont été décolorées par le soleil.

Gypses (2020) emprunte la même réflexion de création de l’image autour de l’empreinte du temps. Ce photogramme de déchets d’atelier illustre parfaitement le concept sur lequel se base toute la pratique de Marion. C’est la matière contre la matière. C’est l’étreinte et la réaction d’un composant à un autre qui fait naître l’œuvre. Le photogramme n’est donc pas une photographie figurative immortalisant un instant. Il est l’empreinte d’une matière et le souvenir d’un lien de cause à effet. Ainsi, les règles de quantification changent, faisant émerger une nouvelle temporalité.
Les quatre éléments ou la métaphore de l’univers
Vous l’aurez compris, la nature est fondamentale dans l’art de Marion Séhier. Les énergies terre, air, feu et eau dialoguent à l’infini pour servir une recherche du juste. Foehn (2021) aborde ce sujet. Ces plaques d’aluminium sur lesquelles sont appliquées des réactifs argentiques absorbent l’énergie laissée par le Foehn, ce vent particulier qui est créé par la rencontre de la circulation atmosphérique et d’un relief montagneux. Cette énergie s’illustre sous forme de forme fluctuante sur le support.

Plus loin, un panneau de polyester nommé Subterranean (2021), orné d’une vitre circulaire aux airs de porte de vaisseau spatiale, interpelle. La sacralisation de cette petite zone sous verre renvoie encore à l’idée de mise en retrait, qui nous permet de penser la matière, de l’apprécier avec un certain recul.

Réorienter l’énergie
Cette approche de l’énergie va plus loin avec des œuvres comme Lapillis (2021).

Cette feuille de papier buvard colorée regroupe la trace, mais également la force magnétique pour créer une pièce délicate qui flotte dans la galerie comme un memento mori. L’œuvre Flurry (2019), étend cette recherche par le mouvement. L’arrachage de la pellicule supérieure d’un carton argenté exprime l’énergie qui transite d’un état à un autre: de la force humaine à la trace laissée par l’arrachement de certaines bandes.

Raconter l’instant
En fin de compte, chacune des œuvres créées par Marion Séhier nous raconte un morceau d’histoire. Il se pourrait que l’installation des Cadrans I à IV (2022) soit l’analogie parfaite de cette pratique chez l’artiste.

Chacun de ces miroirs reflète un instant de réalité et, ensemble, ils composent le rythme d’une histoire, en rappelant subtilement un paysage cosmique…
Vous trouverez dans un coin replié de la galerie une œuvre anecdotique qui évoque le début d’une histoire. Celle de l’artiste enfant.

Une Plaine de jeu qui décrit une vision de l’enfance de Marion. Cette diapositive aléatoire mais tout à fait surréaliste participe au récit de l’artiste et de l’exposition.
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Marion Séhier, Mercure en été jusqu’au 24 juin 2023 à la Galerie Demeester, 265 ch. de Wavre, 1050 Bruxelles.
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