
Arber Sefa
Émois25 septembre 2022 | Lecture 4 min.
Arber Sefa est un photographe autodidacte né au Kosovo, qui a grandi en Belgique. Après avoir obtenu son diplôme d’art dramatique à l’Institut Royal du Théâtre, du Cinéma et du Son de Bruxelles, il continue de développer sa passion pour la photographie. Son travail se compose principalement de portraits d’art et de mode.
La notion de point de vue est centrale dans son travail. Pour Arber, il ne s’agit jamais seulement de prises de vue photographiques, mais également d’imposer une façon de voir, un concept visuel. Le point de vue est d’abord le sien mais il se décline au pluriel. Il possède une approche tout à fait particulière, qu’il doit à sa double pratique photographique: le portrait et l’autoportrait. Il débute cette approche dès ses quatorze ans et s’engage dans une quête aux identités multiples, en saisissant des «fragments de réel» dans lesquels il pioche pour y trouver progressivement son personnage et se jouer de nous, tout en noir et blanc.
La personnalité ambivalente qu’il se forge dès cette période est emplie de mélancolie, de questionnements et de perfectionnisme, alors même que je le découvre rayonnant et très avenant lors de notre rencontre.
Adolescent, il commence une réflexion identitaire et existentialiste qui finit par migrer progressivement dans ses œuvres. Du réel vers la fiction (par l’intermédiaire du filtre photographique et de la technique), il commence alors à faire émerger une vision graphique plus dichotomique: du noir au blanc, de la tristesse à la gaieté. Arber arpente dans ses photographies des lignes au caractère bien tranché, tout comme lui!
«L’autoportait devrait-être exploré par chaque photographe, l’intérêt étant ce qu’il en ressort.» (A. Sefa) L’autoportrait passe par l’expérimentation et lui permet de contrer son perfectionnisme, puisqu’il s‘agit avant tout d’un travail pour lui-même. Nombre de ses clichés n’ont, en effet, jamais été partagés avec le public et ne le seront peut-être jamais. Ce travail «derrière la scène» provient sans nul doute de sa formation en mise en scène. Il prend place dans une recherche identitaire multiple basée sur la sincérité, sans public et dans un dialogue avec soi-même. Ce sont ces mêmes contradictions qui s’expriment par un contraste plastique perpétuel, que l’on retrouve dans son rapport à l’image, et qui interviennent sur ce fameux point de vue. Au-delà de l’ambivalence de caractère qu’il prône haut et fort, le contraste se retrouve à tous les niveaux de son processus créatif. D’abord dans le choix du médium et des tonalités: la photographie en noir et blanc. Puis, dans le travail de composition: il y a toujours, chez Arber Sefa, un endroit et un envers, une mise en scène rendue visible par une face cachée. L’idée d’opposition – portrait et autoportrait, le soi et l’autre… – donne toute sa puissance à l’œuvre. Elle va de pair avec l’expérimentation scénique, omniprésente, comme une membrane quasi imperceptible qui transparaîtrait entre la réalité et la fiction. Le travail d’Arber n’est pas documentaire. Les portraits qu’il saisit passent par son propre prisme et imaginaire. Ils sont le fruit d’une connexion entre soi et l’autre. Ses autoportraits développent aussi la notion de mouvement, ils sont comme pris en étau entre celui-ci et la mise en scène: «Je ressens du mouvement en moi, qui se retrouve dans l’image.» Ses portraits, en revanche, nous questionnent à travers des regards profonds, à la fois vides et pleins. Leur présence physique est forte et s’ancre dans la vivacité qui en émerge, à la manière expressionniste. Comme si ces visages figés dans une mise en scène très contrôlée nous chuchotaient leurs histoires.
Sa récente série intitulée Lock Down Self Portrait a pris naturellement place durant le confinement de mars imposé par la crise du Coronavirus. C’est un projet personnel où Arber Sefa va chercher plus loin encore dans la notion d’identité et d’histoire autour de lui-même et de son objectif. Cette série est inspirée par un état solitaire. Elle est l’aboutissement de tout ce long cheminement. Mais elle est aussi un commencement puisque Arber a depuis lors développé d’autres séries autour de ses thématiques de prédilections. Stardust est un projet d’autoportraits autour de la mode et du vêtement qui combine son amour pour la performance, la mode, la beauté et la photographie.
Stardust repense les identités à partir du vêtement. Le genre n’est pas le seul sujet souligné dans ces photographies. Il est question de l’image que l’on renvoie – ou que l’on souhaite renvoyer – à la société et de ce qu’on emploie pour y arriver. Le vêtement est ici un reflet social. Il permet un positionement fort par l’évocation symbolique qu’il renferme. Doll et Sad Bride illustrent parfaitement ce propos en opposant tant les titres que les concepts renfermés par les sujets photographiés.
Pour ce projet, le photographe a choisi de collaborer avec plusieurs designers pour faire place à d’autres artistes dans son œuvre. Elle est suivie par une autre série qui renvoie davantage à la mélancolie de son enfance: «Hide and Seek est une exploration ludique et une ode à l’enfant qui sommeille en moi. Cette série d’autoportraits montre différents personnages à travers lesquels j’incarne des visions de mon passé dans le moment présent».

Arber Sefa possède un terreau identitaire fertile qu’il compose dans ses photographies pour un résultat toujours étonnant et fidèle à lui-même.
Pour aller plus loin: https://www.arbersefa.com/
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