Fremont
Émois19 juillet 2024 | Lecture 3 min.
épisode 3/4
S’il y a une chose de certaine dans la vie, c’est son incertitude permanente. Nous sommes entourés de possibilités, de choix de vie et d’événements divers qui nous définissent et nous orientent. Une des beautés de notre existence est d’assumer ce facteur inconnu, quitte à devoir lâcher prise. Cette notion anime ainsi Fremont, joli film de Babak Jalali que vous pouvez découvrir en ce moment dans les salles de cinéma. La manière qu’il a de se terminer appuie encore ce rapport à l’incertitude, avec la même finesse que le reste du film.
Donya est perdue. Réfugiée afghane de 20 ans travaillant dans une usine de cookies à San Francisco, la jeune femme est seule, marquée psychologiquement par le manque de sa famille laissée au pays. La douceur qui émane du long-métrage permet d’éviter tout pathos, mais cette solitude est bien présente tout le long du film malgré les rapports que Donya entretient avec d’autres personnages. Par exemple, une collègue lui fait remarquer que son lit une place ne laisse aucune opportunité de la rejoindre à ses côtés; son patron déclare que tous ceux qui écrivent un message dans un fortune cookie connaitront l’amour… Dans le dernier tiers du film, Donya fera une rencontre. La scène de cette rencontre est tournée avec une subtilité et une grâce tout modestes, portée par le jeu des acteurs, Anaita Wali Zada et Jeremy Allen White.
Alors que Donya s’apprête à offrir une statuette à Daniel, un garagiste des plus charmants (vu l’acteur qui l’interprète), le film se fige dans un plan fixe, où l’on voit Donya regarder un paysage en attendant que Daniel termine son travail. Ce cadre fixe n’est pas le premier mais celui-ci baigne dans une nouvelle lumière, toujours sublimée par la photographie en noir et blanc. Donya pourrait paraître écrasée par le décor, avec cet arbre qui remplit le plan, cette voiture et ce canapé qui l’entourent, mais la façon dont le soleil illumine la scène et ce décor irréel laissent penser à une forme de liberté. Soudain, un train passe et une chanson démarre, «Diamond Day» de Vashti Bunyan. La chanteuse l’a d’ailleurs écrite lors d’un trajet en Belgique, alors qu’elle retrouvait la beauté des petites choses après une période de stress, ce qui résonne bien évidemment avec le propos du film. Donya se retourne alors, son mouvement étant arrêté par un freeze frame qui clôture le film.
Par cette simple mise sur pause avant le déroulé du générique, Babak Jalali appuie l’ouverture d’un champ de possible pour son héroïne. Ce qui pourrait paraître frustrant pour certaines personnes confirme ici l’approche poétique du quotidien distillée tout du long par le long-métrage. En cherchant à capter une beauté irréelle, Fremont dévoile une douceur qui nous laisse avec un vrai sourire aux lèvres. Quel bonheur parfois de ne pas savoir ce qui va se passer et de laisser un personnage trouver par lui-même sa propre voie…. De quoi clôturer en tout cas un joli film par une représentation aussi fine que réussie de l’incertitude de la vie et de la liberté qui peut découler d’un lâcher-prise.
Fremont est à voir à partir du 19 juillet 2024, entres autres au Galeries cinéma, au Vendôme à Bruxelles, au Churchill à Liège ou au Cameo à Namur. Plus d’infos ici.